Ce que fut David Johansen (1950-2025), frontman des New York Dolls

par Patrice Caron

À jamais associé aux New York Dolls, David Johansen en était le chanteur et avec Sylvain Sylvain (guitare) Johnny Thunder (guitare) Arthur Kane (basse) et Jerry Nolan (batterie), ils marqueront l’histoire du rock de façon indélébile.

Leur version du glam rock, genre en vogue en Grande-Bretagne au début des années 70, n’a pas le raffinement d’un T.Rex ou l’ambition de Bowie mais avec l’influence des Stooges, du Velvet Underground et du girl-pop américain. Doublé d’une attitude typiquement new-yorkaise et une maîtrise limitée de leurs instruments, ça lui donne cette personnalité qui inspirera la première vague punk, le hair metal et conditionnera le rock pour les décennies à venir.  

Après 2 albums, les New York Dolls tirent leur révérence en 1976 dans le désordre et une presque indifférence. Ils reviendront en 2004 à l’invitation de Morrissey, avec Johansen, Sylvain et Kane, pour 2 spectacles à Londres. Kane décèdera 22 jours plus tard mais les 2 survivants produiront 3 albums et autant de tournées mondiales dès 2005, avant de quitter définitivement la scène à la suite d’un dernier concert le 31 octobre 2011.

David Johansen se lance en solo dès 1976 et présente un premier album éponyme en 1978. 4 autres albums suivront, son dernier, Sweet Revenge, paraît en 1984.  Las de l’héritage des New York Dolls, il expérimente à la fin des années 80 un alter ego de crooner un peu louche du nom de Buster Poindexter qui interprète un répertoire de reprises de swing, de jump blues et de pop, y ajoutant des compositions dans le même esprit. Il connaîtra avec ce projet un certain succès, dont le numéro un au palmarès de sa reprise de Hot, Hot, Hot. Il se produira à Saturday Night Live sous ce pseudonyme, de même que dans un épisode de Miami Vice, en plus de jouer son propre rôle dans le film Scrooged en 1988.

La télévision et le cinéma feront de plus en plus partie de son terrain de jeu, apparaissant entre autres dans Let it ride (1988), Mr Nanny (1993) et Car 54, where are you?(1994) et plus récemment en tant que barman dans le spécial de Noël de Bill Murray. Martin Scorsese en fait son sujet principal pour son documentaire Personality Crisis : One night only,(2023) capturant l’essence de Johansen pour la postérité et représente d’une certaine façon le testament de l’ex-New York Dolls.

Grand amateur de blues, le chanteur forme le groupe David Johansen and The Harry Smiths et lance un premier album en 2000, inspiré par l’Anthologie de la musique folk américaine de Harry Everett Smith. On peut y entendre, entre autres, des reprises de Lightnin Hopkins, Sonny Boy Williamson et Mississippi John Hurt. Un 2e album de la même eau voit le jour en 2002, Shaker, dernier album de David Johansen sans les New York Dolls.

En plus de continuer à produire de la musique et de la présenter sur scène, il animera une émission sur les ondes de SiriusXM dès 2004, faisant étalage de sa vaste culture musicale avec une programmation éclectique, qu’il émaille d’anecdotes savoureuses livrées avec sa voix graveleuse et son fort accent new yorkais. On peut d’ailleurs encore l’écouter en rediffusion sur la chaîne The Loft.

Le diagnostic de cancer et d’une tumeur au cerveau mettra fin à sa carrière en 2020 et une chute en novembre dernier allait accélérer l’inévitable. À peine quelques semaines après avoir lancé une campagne de soutien pour l’aider dans sa guérison, David Johansen nous quittait le 28 février 2025.

RIP Iain Booth – Artisan du son de Montréal.

par Patrice Caron

Reconnu surtout comme ingénieur de son, tant studios que spectacles, Iain Booth nous quittait le 26 février 2025. 

Enseignant à l’école Musitechnic depuis 2009, il était également aux commandes de Hot Biscuit Studio et Soundbooth Productions jusqu’à tout récemment et continuait à réaliser des albums d’artistes de tout horizon, par passion et un réel désir de soutenir les jeunes dans le milieu musical, à son avis un gage de pérennité de cette culture qui doit sans cesse se renouveler.

Avant tout un guitariste, il officie avec différentes formations dès la fin des années 70, notamment avec Nasty Habits, Just Mom et Bendersax. Il pourra ainsi tourner à travers le Canada, partageant l’affiche avec Alannah Myles, The Barenaked Ladies, Tragically Hip et Killing Joke, entre autres. Ces dernières années, en plus d’offrir ses services à l’occasion sur certains enregistrements, il tenait la guitare au sein de StroboScopica dont il était également l’ingénieur du son.

C’est à ce titre qu’il laissera sa marque dans l’histoire de la musique au Québec et au Canada, comptant à son crédit des participations sur Écoute pas ça de Jean-Pierre Ferland, Daniel Bélanger et son Quatre saisons dans le désordre, Menteur de Bourbon Gauthier, en plus de travailler avec Jean Leloup, Zébulon et Gilles Vigneault. Il est aussi derrière quelques enregistrements de Ripcordz, American Devices et S.C.U.M.

Il tiendra également la console dans des salles telles que le Metropolis, Le Ministère et le Club Soda, en plus de travailler au Cirque du Soleil, à Osheaga, au Piknic Électronik et avec le Festival International de Jazz de Montréal. Il fut  aussi employé de Global TV et CTV, en plus de faire partie des équipes aux studios Victor, Piccolo, DNA et Frisson. Il fut, par ailleurs, impliqué en tournée avec Bran Van 3000, Kalmunity, Ian Kelly, Tomas Jensen et Paul Cargnello, parmi tant d’autres.

Avec Musitechnic, il s’activera à transmettre son savoir et partager son expérience avec des centaines d’étudiants qui deviendront pour certains des collègues sonorisateurs, partageant avec lui son approche simple et organique de l’enregistrement. Toujours enthousiaste et curieux, il a sans cesse chercher à se perfectionner, demeurer à jour technologiquement et soutenir sans condition ses étudiants et les musiciens avec qui il a partagé la scène ou le studio.

Outre sa famille et ses amis, il laisse dans le deuil une communauté musicale à qui il laisse le souvenir d’un homme toujours souriant, gentil et passionné, un bâtisseur de l’ombre à la recherche du bon son plutôt qu’à sa gloire personnelle.

Acheter local

par Patrice Caron

Depuis vous savez quoi, l’achat local refait surface dans l’actualité, de nouveau comme une forme de solidarité envers les entreprises canadiennes mais cette fois, dans une tentative de résister aux rouleaux compresseurs américains. 

Si la pandémie avait vu des initiatives comme le Panier Bleu voir le jour, elle avait aussi révélé que le système s’était mondialisé à un point où que plusieurs produits en versions québécoises ou canadiennes n’existaient pas, qu’on supportait au final des commerces québécois à vendre des produits fabriqués ailleurs. Pas seulement, mais c’est l’impression qui s’est imposée. 

La fin de la pandémie, le déploiement d’Amazon au Québec et une offre moins attrayante ont fini par achever la plateforme, que le gouvernement a décidé de débrancher dans l’indifférence.

Pas que le besoin ne soit plus là mais que face aux géants comme Amazon, qu’est-ce que tu veux faire? Résister? Pourquoi? En espérant se faire une petite place, de se faire une petite piasse, on joue le jeu le temps qu’on a les moyens de le faire. 

Et après? Bah, on n’est pas rendu là… 

Le manque de vision de nos politiciens et leaders quant à la nationalisation du commerce en ligne a laissé place à un asservissement aux multinationales qui rend toute initiative locale bien superflue dans un prisme comptable, préférant l’enrichissement intéressé à court terme qu’à une richesse collective pérenne.

Acheter local ok mais dans un commerce américain? Si l’initiative « Le 12 février j’achète un billet de spectacle québécois » allait de soi et merci pour ça, j’ai eu une pensée pour les billetteries comme Ticketmaster qui ont aussi profité de cet élan de solidarité organique.

Ticketmaster, géant américain de la vente de billets de spectacles, est fusionné à Live Nation, géant américain de la production de spectacles, propriétaire de plusieurs salles de spectacles, promoteur de centaines de festivals et ce, dans plus de 49 pays à travers le monde.

En 2019, evenko, la filiale spectacles du groupe CH, s’est associé à Live Nation et la multinationale a maintenant des intérêts au Québec tels que le Festival de Jazz ou les Francofolies, Osheaga et le MTelus. Ce sont  les affaires et dans le contexte expansionniste de Live Nation, c’était dans l’intérêt de l’entreprise de s’associer plutôt qu’être avalée.

Ça illustre la difficulté de contourner l’emprise américaine, même en culture. Et que les moyens investis dans cette sphère économique coulent naturellement sous d’autres cieux. Sans entraves ou presque, comme si la ressource était inépuisable.

Les tentatives d’en ériger quelques-unes ont eu des effets mitigés, comme la censure de Meta des médias traditionnels canadiens, et l’opposition des apôtres du libre marché, avec promesses de revenir en arrière à la première occasion. 

Mais ultimement, c’était plutôt gentil comme législation, la situation exigeait et exige encore une réponse musclée, une réalisation commune. Il en va de notre souveraineté de ne plus contrôler ce qui circule au Canada, peu importe le média. Et qu’il faudrait y mettre les moyens à la hauteur du défi.

Ça serait déjà un plus de commencer à être conséquent dans nos décisions d’affaires. J’y reviens encore mais que nos politiciens choisissent X comme tribune pour des annonces s’adressant aux citoyens et médias canadiens, est devenu inadmissible. Que les gouvernements et les partis politiques canadiens achètent de la publicité de Meta est inadmissible. Que leurs sites web soient hébergés par Amazon est inadmissible.

Difficile en ce cas de demander aux citoyens de favoriser notre propre marché quand l’exemple donné par nos dirigeants est aux antipodes. On en est rendu à espérer un mouvement populaire qui fera bouger ces instances au-delà de leurs propres logiques comptables.

C’est dans cet esprit que doit répondre le gouvernement caquiste aux demandes mises de l’avant par les Grandes Manifestations pour les Arts, soutenir les artistes et les travailleurs culturels pour que le combat de cette identité commune se poursuive devant cette vague qui risque de nous submerger.

Mais il faudra aussi avoir notre propre bateau et notre équipage pour le mener au travers la tempête. Se forger nos outils technologiques pour réaliser une indépendance réelle et s’affranchir de la domination des multinationales qui ont peu de préoccupations pour les économies locales.

Parce qu’à terme, on assoiffe l’écosystème qui donne l’essence à ces artistes, travailleurs et entrepreneurs pour réaliser ce grand tout qui constitue la culture québécoise et canadienne.

Le système actuel est loin d’être parfait, majoritairement mis en place à une époque où la réalité était différente, n’est plus maintenant qu’une coquille pratiquement vide car les entreprises qui contrôlent majoritairement les leviers ne sont pas sujettes aux réglementations que les entités canadiennes doivent respecter. Le déséquilibre des revenus de chacun dégarnit des fonds comme Radiostar ou le Fonds des Médias, avec pour conséquence une baisse de soutien et de production, et finalement, des pertes d’emplois. Les maigres concessions obtenues de Netflix ou Google font diversion plutôt que d’infléchir cette trajectoire et ne changerons en rien à l’inéluctable.

La diminution des contributions publiques nourrit la situation, ce qui est incompréhensible à la lumière de ce qu’on sait et des discours de nos dirigeants quant à notre culture commune. Il est tout aussi incompréhensible de laisser les entreprises privées adresser des situations d’ordre national, d’intervenir en dernier recours et déplorer les échecs après coup. 

Et il est tout aussi incompréhensible que les Canadiens n’aient pas d’incitatifs à favoriser des entreprises canadiennes dans un autre ordre que celui du pain et du beurre. Le pays compte sur plusieurs entreprises de services qui ne demanderaient rien de mieux que de pouvoir affronter à juste hauteur la compétition débridée.

Ça va au-delà des initiatives citoyennes, ça demande une volonté politique et une adhésion des acteurs économiques pour que notre économie puisse servir autant les entreprises, les travailleurs et la population canadienne que l’intérêt national.

La mondialisation aura bien servi la classe économique mais a aussi révélé des faiblesses rapidement exploitées par les plus gros joueurs du système. L’État a laissé faire, par opportunisme, ignorance ou intérêt, confortés par l’idée que l’ordre mondial le favorisait à certains niveaux. On le voit, cet ordre n’était pas aussi solide qu’on le croyait et les conséquences de ce laisser-faire se multiplient de jour en jour.

Pour certains, il est déjà trop tard et il vaudrait mieux se négocier une place dans le jeu à défaut de le mener. D’autres y croient encore mais leur nombre fond comme neige  au soleil. Peu tentent de renverser la vapeur, l’ardeur des rouleaux-compresseurs semble impossible à stopper et sans une politique nationale robuste pour y faire face, nous devrons leur donner raison.

Il est désolant qu’une des initiatives les plus porteuses des dernières années en musique, la plateforme MUSIQC, financée par le CALQ (Québec) et Musicaction (Canada), apportent plus d’eau au moulin des grandes plateformes d’écoute en continu comme Spotify ou Apple, même si leurs politiques commerciales vont à l’encontre des intérêts de ces artistes et des entreprises qui les soutiennent afin d’être entendus. On se dit que dans la situation, vaut mieux ça que rien du tout. 

Comme avec QUB, qui a raté une belle  l’occasion de changer le paradigme actuel. Son exemple est malheureusement un signal pour les autres, si eux n’ont pas réussi… 

On revient à un besoin d’initiatives nationales qui aborderont le côté commercial de la culture, avec un contrôle et un soutien sur tous les aspects qui entrent dans le processus, de l’artiste sur scène jusqu’à la billetterie, la distribution, la publicité, bref, penser à nourrir tout l’écosystème plutôt que de saupoudrer par secteur et laisser paître une frange non-négligeable de ce qui donne du sens à tout ça. 

Le secteur privé n’a ni les mêmes intérêts ni les mêmes indicateurs de succès. La culture avec un grand C ne peut et ne doit pas être analysée selon ces indicateurs, sa singularité est son gage de succès face à la mondialisation, pas nécessairement au nombre d’écoutes, de « like » ou du nombre de fans. Qui aurait cru que Céline Dion pré-Incognito atteindrait de tels sommets, à part René Angelil? Il faut donner la chance de grandir, avec le temps nécessaire, plutôt que de s’attendre à des résultats à court terme.

L’industrie s’est graduellement étiolée et n’a plus le luxe de nourrir de tels espoirs. Il est temps que l’État assume son rôle et développe, par exemple, une plateforme d’écoute liée à Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, avec des normes en phase avec les besoins des artistes et non les attentes des investisseurs. Parce qu’à la base de ce qui se passe aujourd’hui en culture et plus spécifiquement en musique, c’est des redevances qui ne sont pas à la hauteur de sa valeur, négociés en faveur d’une industrie qui nous appartient de moins en moins, à la merci d’un marché aux règles imposés sans égard des communautés, souvent réduites à quelques listes d’écoutes et un même. Faudrait également se négocier de meilleures redevances mais c’est une autre histoire.

Le Québec peut et doit mener ce chantier vital pour sa souveraineté culturelle et celle du Canada. On se le doit. Pour tout ce qui s’est fait et ce qui pourra se faire. Le salut ne viendra pas d’ailleurs. C’est entre nos mains.

Le Canada à SXSW : business as usual?

par Patrice Caron

Nous sommes à quelques semaines de la grande messe de l’industrie musicale, médiatique, technologique et cinématographique South by Southwest. L’événement, fondé en 1987, s’est imposé comme un passage obligé pour des milliers d’entrepreneurs pour soit y présenter leurs projets ou découvrir ceux des autres.

Pour l’occasion, Austin, capitale du Texas, devient le site d’un carnaval où les locaux se déplacent en masse pour se mêler à ces invités majoritairement internationaux et animer la 6e rue, épicentre de la bacchanale, d’une faune où s’entremêle délégués affublés de cocardes, parade de Jésus, vingtenaires en goguettes, vendeurs et artistes de rue ainsi que les multiples musiciens qui tentent de décharger leurs équipements à travers tout ça.

En parallèle, conférences, foires, vitrines et réseautages occupent les délégués qui sont pour la plupart présents pour développer leurs entreprises. Le volet artistique du festival vaut à lui seul le prix de la cocarde (895 US$) mais la raison d’être de cet événement est le volet développement d’affaires. C’est la que réside son succès et plusieurs s’en sont inspiré depuis, M pour Montréal et Pop Montreal en sont des exemples ici.

J’ai eu la chance et le privilège d’y participer pendant une dizaine d’années et ça demeure une de mes plus belles expériences de mélomane et de travailleur culturel. Des milliers de groupes musicaux, réunis pendant une semaine, qui se produisent tant le jour que la nuit, le rêve. J’ai failli en mourir aussi.

Il faut éventuellement se faire une raison qu’on ne pourra pas tout voir ce qu’on aimerait et que souvent, c’est mieux de se laisser surprendre au hasard que de courir aux quatre coins du site, à travers la faune mentionnée plus haut, pour attraper 10 minutes de la performance et devoir refaire le même trajet pour l’autre sur la liste. Ça m’a fait faire de belles découvertes et je m’ennuie encore de ce genre de vendredi soir fou où tu rampes jusqu’à ton lit, épuisé de tant de stimulations, les oreilles qui bourdonnent de tout ce qui y est passé et le sourire de savoir que ça recommence demain.

C’est une expérience que je souhaite à tous les musiciens et travailleurs culturels. Et si ça développe sur quelque chose d’intéressant pour eux, ça aura valu la peine et le coût. Parce que ça coute cher et le festival n’assure qu’un strict minimum pour ceux qui s’y produisent, s’y loger à bon prix est pratiquement impossible à moins de dépenser l’équivalent en transport et c’est sans s’étendre sur les difficultés de se produire sur le territoire américain pour les musiciens étrangers avec des coûts de visas prohibitifs. Pour les musiciens canadiens, il existe quelques programmes de financement pour ce genre de chose mais c’est des subventions, paperasses et autres. Faut vouloir.

Depuis plusieurs années, Pop Montreal, M pour Montreal et Canadian Independant Music Association y présentent des activités, tant des vitrines que des BBQ et des cocktails, mettant en vedette des artistes canadiens en développement de marché, avec un succès certain. Le soutien dont bénéficie ces organisations aident les artistes et les entreprises qui les représentent à trouver les moyens pour réussir cet investissement, en plus d’assurer une certaine présence de professionnels aux activités présentées sous ces parapluies. Tout le monde y trouve son compte et marque la présence de Montréal et du Canada durant un événement majeur où une majorité de joueurs de l’industrie converge exceptionnellement. Ces initiatives sont essentielles et doivent être soutenu comme telles.

La Canadian Independant Music Association annonçait récemment qu’elle annulait sa présence à la prochaine édition, indiquant que la situation politique actuelle aux États-Unis, les coûts prohibitifs et la faiblesse du dollar les avaient convaincus que les bénéfices potentiels ne valaient pas l’investissement. Sachant que ce n’est pas le genre de chose qui s’organise en 2 semaines, le CIMA a du quand même perdre un peu d’argent dans le processus et devra ajouter ça dans la colonne des pertes. Fait isolé ou tendance, la question se pose.

De leur côté, M pour Montréal et Pop Montreal dévoilaient la programmation de leurs vitrines officielles il y a quelques jours, avec notamment La Sécurité, Population II et Bon Enfant à l’affiche. Encore là, on comprend que ce genre de chose ne s’organise pas en 2 semaines et que la machine était en marche bien avant les élections américaines et surtout de la révélation (hum) que la nouvelle administration ferait un virage à 90 degrés vers la droite une fois au pouvoir. Et que le Canada serait menacé d’annexion et de guerre commerciale. À la lumière de cette nouvelle réalité, il faut considérer à quel niveau il faut se mettre pour faire des affaires.

Déjà que nous sommes un peu pris avec les modèles qui se sont imposés (Apple, Spotify et autres) qui canalisent une partie des sommes investies pour créer du contenu canadien, engraissant un système qui pourtant le défavorise sauf exceptions, il faut se demander si en rajouter fait du sens. Et que d’aller quémander un peu d’attention à un moment où notre essence même est mise en cause n’est peut-être pas le bon message à envoyer à la face du monde.

On le sait, les boycotts ont surtout un impact symbolique et n’entament presque jamais la source de ce mécontentement. Mais on est justement dans le symbolique en ce moment et la suite dépend de la position de nos représentants devant la situation. Si on veut que notre défense de l’identité canadienne et québécoise porte fruit, il faut donner l’exemple. Reconsidérer des investissements. Trouver d’autres marchés à développer. Changer les outils.

Et abandonner, peut-être temporairement, des habitudes profitables comme la présence canadienne à South by Southwest parce qu’il y a des limites à jouer le jeu avec des mauvais perdants qui changent les règles en cours de route. Et que le citoyen canadien qui prend 2 fois plus de temps à faire son épicerie pour ne pas choisir de produits américains n’ait pas l’impression que ça ne donne rien de se préoccuper de ça. On le répète, les boycotts n’ont pas d’influences sur la source mais ça en a une sur les autres. On se choisit. Ça aide les producteurs locaux, tant manufacturiers que culturels, l’argent reviens ici. Enfin.

Il est préférable depuis plusieurs décennies que les artistes soient en majorité apolitiques et la polarisation des dernières années a renforcé cette position. Et à moins d’être confortable avec les insultes incessantes ou d’avoir un public majoritairement aligné sur ces idées, on comprend que plusieurs ne veulent pas être associé à des choses qui pourrait aliéner une partie de leurs publics. Mais on est au point que l’identité même est remise en cause et l’ambivalence n’est plus une position qui s’explique. Citoyen du monde est une vue de l’esprit, la réalité est que maintenant, habiter au Canada est un facteur important dans nos rapports avec le monde. Le nier c’est se nier soi-même. Ça ne veut pas dire d’être solidaire avec nos représentants politiques mais de nos concitoyens qui devront tous s’adapter à la nouvelle réalité d’un voisin soudainement moins sympathique, peu importe les étiquettes politiques dont on est affublé. Celles qui comptent aujourd’hui, ce sont celles du Canada et du Québec.

Et la meilleure façon de faire entendre nos voix c’est par celles de nos artistes, ça aura au moins le bénéfice d’unir nos voix et leur donner du volume, soutenir nos concitoyens et leur donner l’occasion de se choisir. Soutenir une culture qui va au-delà de la poutine et du hockey. Il est temps que nos représentants politiques soutiennent convenablement ces artistes car l’avenir du Canada et du Québec passe par eux. Que les artistes et les entreprises culturels prennent conscience de ce qui est en jeu et que les citoyens aient les moyens de faire la différence à un moment charnière de notre histoire collective. Notre plus grand adversaire aujourd’hui n’est pas seulement Trump et ses minions mais nous-mêmes.

Facebook – Déménager ou rester là?

par Patrice Caron

L’arrivée au pouvoir des méta-barons aux États-Unis a provoqué toute sortes de réactions, dont une migration vers un réseau social plein de promesses en guise de protestation à la nouvelle approche MAGA des magnats des GAFAMS. Qu’on soit encore sur ce qui a été Twitter à ce jour n’est pas trop justifiable étant donné la transformation radicale amorcée en 2022 mais Facebook, malgré sa censure des médias canadiens, a quand même gardé une importance certaine pour des millions de Canadiens.

Depuis le premier jour, Facebook est un produit imparfait. En échange de nos vies/données, on a un réseau social qui a pris tant d’importance qu’une alternative, même supérieure, n’aura jamais la même adhésion.

L’avènement du roi des trolls a révélé que ô surprise, Zuckerberg aime l’argent. Et que pour en faire plus, au diable les belles intentions. Pas une grosse révélation mais voilà, on cherche maintenant à au moins essayer de résister, protester, être pris en considération.

On vote avec nos pieds. On lâche. Pour l’ex-Twitter, ok, le bonze adopte les allures d’un nazi et utilise sa tribune pour troller la planète. C’est même insultant que nos gouvernements utilisent encore cette plateforme pour nous parler, qu’est-ce que ça leur prend pour trouver autre chose? Make fax great again, genre. Mais Facebook? Ok le milliardaire en haut est un douch pas de classe qui ne serait jamais mon ami. Mais à date, à ce qu’on sait, ce n’est pas un nazi et je n’ai jamais vu une publication de sa part ou même un commentaire, je ne le suis pas et contrairement à X, on ne nous impose pas sa prose.

Parce que, pour le  moment, contrairement à X, quand on fait un peu de ménage, on voit pas mal ce qu’on veut sur Facebook, sauf ce qu’ils censurent. Les suggestions/publicités et autres qui pullulent sont souvent reliés à des choses qu’on suit déjà. Et à moins d’avoir un penchant pour le wacko world, on en voit pas trop de ce contenu, tout dépendant de vos amis. On voit les extraits de musique, de films et de culture, si c’est ça votre intérêt, sinon des trucs de doomsday preppers, si c’est ça qui vous branche. Ça prend du temps et malgré toute la merde qui se faufile, ça finit par être un environnement où tu peux t’y retrouver. Le yin et le yang des algorithmes, des fois ça tombe du bon bord.

La particularité culturelle du Québec fait que le réseau qui s’est bâti sur Facebook est pas mal la seule chose qui nous reste. C’est la seule chose qui nous permet de nous parler. Encore.

Les autres médias en sont complémentaires et de les interdire, c’est la pire chose qui pouvait arriver à ce réseau. Pas que le Zucko ne veuille plus censurer les wackos. Ou qu’il aille s’agenouiller devant le roi des trolls. C’est de planter les derniers clous dans les cercueils de ces médias en phase terminale du cancer de… Facebook. Ça serait drôle si ce n’était pas si triste.

Ça fait plus d’un an et il n’y’a rien qui donne un semblant d’espoir. Les médias qui résistent encore sont de plus en plus faibles et on sait ce qui s’en vient. Mais en attendant, on fait quoi? On se disperse et pis après? Ça sert qui? Diviser pour régner qu’ils disaient.

Les raisons de quitter sont légitimes mais on y perd des voix importantes dans un débat qu’il faut avoir pour qu’une certaine idée du Québec continue d’exister. On coupe le lien que ceux qui nous donnent une identité, les artistes, avec un public impossible à rejoindre autrement et qui ont eux aussi autre chose à faire qu’à se rebâtir un réseau qui ne sera jamais ce qu’ils ont déjà.

On laisse la place à des vendeurs de pacotilles et on regarde le bateau couler en jouant du violon sur une banquise qui fond…? Ou à parler dans le vide jusqu’à ce qu’on se lasse de ça aussi…? Non. Je veux les voir tes photos sur la plage aux Philippines, du show que t’es allé voir, de ce que tu as pensé du film que tu as vu. Je veux savoir ce qui se passe à soir même si j’ai le fomo et que je vais probablement passer une partie de ma soirée à doomscroller en me disant que j’aurais donc dû. Savoir qui est passé à Tout le monde en parle même si je n’écoute jamais ça. Savoir qui a gagné au hockey même si je m’en crisse. Tsé, savoir ce que mes amis vivent, aiment, haïssent.

Si demain matin, tout se retrouvait ailleurs que sur une plateforme de méga-millionnaires, go. J’ai zéro attachement autre que pratique pour ce truc et les bro-riches peuvent bien me sucer le gros orteil gauche. Mais ce n’est pas vrai que je vais les laisser gagner sans résister. Parce que leurs empires n’existent pas si il n’y a rien dedans et que dans le fond, c’est à nous tout ça.

Ce n’est pas le temps de se taire ou de se sauver, au contraire. Tout est tellement imbriqué qu’il n’y a pas moyen d’y échapper. Même si le ciel semble plus bleu ailleurs, ça reste à la merci d’un riche qui aime plus l’argent que d’être capable de respirer. On ne rêve plus à quelque chose qui nous appartient mais d’avoir encore notre place. De demeurer vivants.

Ne partez pas, on a besoin de vous.

JiC, Kendrick et le SB chez Marie-Louise, suite et fin

par Alain Brunet

En préparant le repas de samedi, fin PM, j’ai bien aimé la conversation entre Jean-Charles Lajoie et mon animatrice préférée à la radio de la SRC, Marie-Louise Arsenault. Puisque tout peut (effectivement) arriver, je fus le premier étonné que mon coup de gueule, écrit spontanément pour PAN M 360, ait fait ce chemin. Soit jusqu’à la défense publique de l’arrosé et la démonstration concluante de sa culture personnelle. Qui plus est, sur un ton résolument radio-canadien.

Franchement, je ne connaissais pas la vie privée de JiC ni ses inclinations pour l’art, mais son niveau de langue me permettait tout de même de déduire que non, JiC n’avait rien d’un inculte. Ignorant du rap ? Oui, d’entrée de jeu… mais moins que ressenti, réflexion faite au terme de cet entretien. Cela impose une suite et une fin de mon côté.

En direct samedi, JiC nous a révélé entre autres avoir fréquenté le milieu de la danse contemporaine au début de sa vie adulte, un peu comme l’a déjà fait Jean-Luc Mongrain, pas si populiste qu’il n’y paraît.

J’ai aussi observé qu’il était plus favorable et sensible au rap qu’il ne le laissait entendre dans sa chronique que j’ai vertement critiquée. Dans cet échange très sympa avec Marie-Louise, il nous a raconté avoir été sensibilisé au phénomène Kendrick Lamar par le biais de ses fils, et qu’il a aimé sincèrement sa prestation… quoique peu inclusive contrairement à la vedette de son titre, Lady Gaga.

N’ayez crainte, je ne veux ni avoir le dernier mot ni m’éterniser sur ces joutes écrites ou verbales entre deux perceptions. Je ne kiffe pas la pratique compulsive de ce spectacle de la polémique médiatique, néanmoins utile dans certains contextes comme celui-ci.

Alors revoyons la construction du texte en question, que j’avais lu attentivement (ben oui JiC) avant de m’en dissocier publiquement.

D’abord le titre exagéré, sauf pour tant de Blancs anti-rap qui ont ouvertement et bruyamment haï le halftime show: Lady Gaga a surclassé Kendrick Lamar. Il faut rappeler que le titre d’un texte en oriente la lecture, en transforme la perception. Je parle en connaissance de cause: tout au long de ma carrière, j’ai ragé maintes fois pour m’être fait imposer  par un pupitreur un titre spectaculaire et trompeur. Or, JiC n’a pas soulevé ce problème, alors présumons qu’il assume son titre.

Maintenant, si ce titre est sciemment choisi, tout ce qui suit prête à interprétation :

« Pas que l’icône de Compton, émancipé à partir de cette banlieue pauvre de Los Angeles ait été mauvais, au contraire. »

JiC laisse peut-être entendre que Kendrick Lamar a fait un très bon show, mais le titre qui le précède teinte ce propos d’ironie. Et ce qui suit renforce cette impression :

« Mais nous sommes en droit de nous attendre sur la grande scène de la mi-temps du Super Bowl à une prestation plus spectaculaire. Personnellement, j’ai envie d’une mise en scène éclatante et éclatée, d’effets visuels et pyrotechniques, j’ai envie que ce soit plus gros que gros. J’ai aussi envie que ce soit inclusif. Depuis que la NFL a cédé le contrôle de ses mi-temps du Super Bowl à Jay-Z, j’ai davantage l’impression de subir un 13 minutes de propagande que de vivre un moment de défoulement collectif au cœur du plus gros party de football sur la planète. »

Ça devient alors plus agaçant.

Si on suit cette logique, Kendrick Lamar devrait se transformer en artiste plus léger et plus divertissant parce qu’il est au SB. Biais…

Pour la plupart de ses détracteurs minoritaires en Amérique,  visages pâles qui abhorrent le hip-hop (dont moult Kebs de souche, force est de constater) et clament que cette performance était incompréhensible et carencée en effets spéciaux, et donc « 13 minutes de propagande » imbuvables.

Après avoir soufflé le chaud, voici le froid côté JiC, fin renard qui sait plaire à ses fans sportifs majoritairement anti-rap et aussi à certains qui reconnaissent ses goûts réels et donc sa posture paradoxale qui suit :

« Comprenez-moi bien. L’énoncé de Kendrick Lamar dimanche soir était fantastique. Sa phrase « La révolution sera télévisée, vous avez choisi le bon moment, mais pas le bon gars » valait à elle seule le quart d’heure. Et que dire de sa charge martelée à l’endroit de son rival Drake qu’il accuse d’être pédophile, Not Like Us au cours de laquelle est apparue en « C.R.I.P. walk » la légendaire Serena Williams, enfant chérie de Compton à l’instar de Lamar mais aussi… ex petite-amie de Drake ! »

Même avec cette insistance, avec à l’appui la paraphrase de Kendrick inspirée de Gil Scott Heron (the revolution won’t be televised) , on ne comprend pas trop bien le chroniqueur d’entrée de jeu.

J’en conclus que JiC a trippé sans ironie (après ses éclaircissements chez Marie-Louise) mais considère que l’occasion n’était pas propice à un tel coup d’éclat de Kendrick dans un contexte historique hallucinant. L’arrivée de Trump, les USA coupés en deux, le monde libre coupé en deux, un climat international devenu soudain explosif. 

Alors pourquoi ne pas simplement applaudir une telle intervention du plus brillant rappeur de sa génération?

Exécutée devant le président Trump qui aurait déserté le spectacle, sur une des plus grandes plateformes imaginables pour un tel exercice. Wow ! Pas assez inclusif et pas assez divertissant pour l’occasion ? Ben voyons.

Cela étant dit, JiC reconnaît la finesse de Kendrick, ce qui en diminue sensiblement  le niveau d’ignorance après ses explications radio-canadiennes, alors que ma première perception en était une de moquerie subtile sur le fameux rapper, d’où ma propre exagération sur le coup, je m’en confesse.

Et donc je crois maintenant ce qu’il affirme :

« Sur le fond, par son éditorial puissant Kendrick Lamar a confirmé son statut d’icône du hip-hop. L’histoire retiendra qu’il en a même assez fait pour pousser Donald Trump à quitter le stade durant sa prestation, de quoi faire l’envie de Kamala Harris. »

OK, bien reçu mais…  

« Premier rappeur à assurer seul la mi-temps d’un match du Super Bowl, sa performance fut toutefois loin de celle du collectif mené par Dr. Dre et Eminem qui ont tout cassé en 2022. »

Vraiment?

Fan  fini de NFL, je visionne les mi-temps du SB depuis l’enfance, lointaine époque des fanfares se déployant sur le terrain. Pour le LIX, en tout cas, je n’ai pas vu de chorégraphies plus convenues que les précédentes. Je n’ai pas vu Samuel Jackson voler le show comme JiC l’affirme.  Je n’ai pas été en manque d’effets spéciaux  vu la teneur de l’intervention. J’y ai plutôt applaudi une véritable dramaturgie, une construction cohérente, un art pleinement maîtrisé. 

Voilà pourquoi la conclusion de JiC, qui justifie le titre de son texte, m’a mis encore plus en ta.

« …déployant toute l’émotion et la puissance de sa voix devant des citoyens de tous les horizons, des héros du quotidien, Lady Gaga a incarné ce que doivent être les États-Unis d’Amérique : unis, inclusifs, rassembleurs.Un grand moment de télévision qui m’a donné envie de revoir la superstar de 5 pieds 2 pouces faire vibrer la planète dans un prochain spectacle de la mi-temps !  »

Euh…non. J’aime bien Lady Gaga mais on ne peut la comparer à Kendrick, pas plus qu’on puisse comparer Barbra Streisand à Bob Dylan… a complete unknown il va sans dire.

Alors si on réclame plus de légèreté au halftime show, on n’invite pas Kendrick et on n’invite pas des artistes populaires de ce type. Bien sûr, on ne peut se farcir autant de substance à chaque SB, mais cette fois était à mon sens idéale, tout compte fait. Et plus j’y pense, plus je crois que cette performance sera retenue au contraire parmi les plus importantes en six décennies de SB. 

J’insiste : il est très rare que la substance artistique d’un tel niveau d’excellence arrive à produire un tel impact subversif et ainsi catalyser la réflexion de ses adhérents et opposants, un peu à l’image des divisions profondes qui rongent les sociétés occidentales en cette ère chaotique qui s’amorce. Ce 13 minutes de Kendrick s’avère un authentique grower : plus on y pense, meilleur il devient.

Bon, ne nous acharnons pas… après explications supplémentaires de notre communicateur vedette qui s’est fort bien expliqué sur la question après coup (sauf évidemment avoir supposé que je n’avais lu que le titre de son texte haha!), je me plais à croire que le chroniqueur sera de plus en plus d’accord avec moi sur cette question. Sans ironie, je te le dis, JiC.

POUR ÉCOUTER LE SEGMENT DE L’ÉMISSION TOUT PEUT ARRIVER

POUR LIRE LA CHRONIQUE QUI A TOUT DÉCLENCHÉ

Au sujet de la réprobation de Kendrick au Super Bowl LIX

par Alain Brunet

Suis tombé par hasard sur une critique acerbe du spectacle de la mi-temps du Super Bowl, signée Jean-Charles Lajoie alias JiC, un animateur et chroniqueur de sport que je respecte – plus précisément, je visionne assez souvent son show quotidien à TVA Sport. Vif, intelligent, expérimenté, connaisseur, grande gueule, très bon showman sur un plateau de télé, très bon communicateur.

Or… qui dit grande gueule dit parfois débordement et impertinence. À ce titre, JiC devrait la fermer sur le hip-hop, à tout le moins exprimer humblement une opinion défavorable en tant que profane plutôt que se vautrer dans le ton péremptoire de sa très mauvaise chronique publiée cette semaine dans le Journal de Montréal. J’invite tous les fans de musique à lire cette tartine anti-rap.

« Mais nous sommes en droit de nous attendre sur la grande scène de la mi-temps du Super Bowl à une prestation plus spectaculaire. Personnellement, j’ai envie d’une mise en scène éclatante et éclatée, d’effets visuels et pyrotechniques, j’ai envie que ce soit plus gros que gros. J’ai aussi envie que ce soit inclusif »

Inclusif? Ah bon?!!

« Exclus » du party, JiC et tant de Blancs de son âge (la cinquantaine et plus) n’ont pas encore pigé que le hip-hop domine outrageusement la musique pop occidentale depuis deux décennies. Que la majorité des Occidentaux kiffent ce style sans forcer. Que le hip-hop existe depuis la fin des années 70… Allô ? Que Kendrick Lamar ne donne pas un mauvais spectacle parce qu’il rappe, néanmoins entouré d’artistes d’exception, de Samuel Jackson en Oncle Sam au crip walk de Serena Williams sur la tombe symbolique de Drake ou encore au chant suave de SZA.

Ça te dit quelque chose SZA, JiC? Les Grammys attribués à la chanteuse ne suffisent pas pour te sentir inclus, toi qui connais sûrement Bruuuce, Robert Plant ou Metallica ? Pas capab le rap? Si tu ne te tiens pas au courant de la pop culture totalement dominée par la soul, le R&B et le hip-hop, on peut comprendre que tu ne te sentes pas dans la même game… et, somme toute, on peut aussi comprendre que tu es un pur ignorant de la pop culture de masse telle qu’elle est aujourd’hui. Oui, j’en beurre un peu épais mais ta croûte mérite d’être badigeonnée généreusement comme l’aurait suggéré naguère la pub de Velveeta… Je te l’accorde, personne n’exige que tu ne t’y retrouves pas mais…un ignorant qui s’exprime avec autorité et grandiloquence sur une telle tribune médiatique, ça devient très ordinaire.

Ben oui, JiC, tu la connais Lady Gaga, tu l’as entendue avec feu Tony Bennett et peut-être même avec Bruno Mars la semaine dernière aux Grammys. ÇA c’est inclusif n’est-ce pas? Mais pas un seul mot sur les superbes artistes néo-orléanais, invités avant le kick-off, que sont Terence Blanchard, Jon Batiste, Trombone Shorty, Lauren Daigle et Ledisi, dont certains sont venus quelques fois nous visiter à Montréal… dans des salles pleines. Alors que Lady Gaga, dont tu fais l’apologie avec raison, est désormais connue des nonagénaires sur ce continent.

Mais pourquoi s’exprimer haut et fort sur l’art lorsqu’on ne connaît qu’une seule artiste au programme du halftime show au SB?

L’animateur et chroniqueur renchérit : « Depuis que la NFL a cédé le contrôle de ses mi-temps du Super Bowl à Jay-Z, j’ai davantage l’impression de subir un 13 minutes de propagande que de vivre un moment de défoulement collectif au cœur du plus gros party de football sur la planète. »

Alors là, c’est de l’immense n’importe quoi côté JiC.

Si Bruce Springsteen y avait chanté quelques-unes de ses chansons très engagées politiquement, je gage un 10 qu’il aurait trouvé ça très cool. Alors que Kendrick, un des meilleurs auteurs du rap actuel (sauf son entêtement à jouer cette game ridicule de testostérone avec Drake… qui avait néanmoins ouvert les hostilités), est accusé de propagande. De surcroît, par un homme blanc qui ne connaît visiblement rien de son œuvre magistrale. Biais inconscient? Ben oui, JiC, je serai probablement étiqueté woke du haut de mes 67 ans. Ben pour dire…

Maniaque de NFL, j’ai personnellement visionné le SB dimanche dans un salon accueillant et chaleureux, exclusivement peuplé d’hommes sexagénaires et septuagénaires blancs. Des gars de ma génération que j’aime sincèrement et que je fréquente depuis des décennies. Or, certains d’entre eux ont eu la réaction de JiC. Un de mes amis m’a même demandé de répondre à la question: « pourquoi du hip-hop au Super Bowl?  » Alors? Je me suis d’abord gardé une petite gêne. Je peux fort bien comprendre, accepter et respecter ce ressenti, il vaut mieux éviter d’antagoniser et casser l’ambiance. Dans une réunion d’amis, pour un si petit détail de la vie, vraiment pas de quoi en faire un plat. Mais je confesse avoir été incapable de me retenir quand un autre très cher ami a affirmé qu’il s’agissait du pire halftime show de l’histoire du SB.

Ah ouin? OK. Quand on n’aime pas trop le hip-hop, on peut légitimement exprimer son mécontentement… même jusqu’à rendre un tel verdict ?

Le ton de cette réprobation aurait été probablement différent en compagnie de nos enfants et nos amis des générations plus jeunes, la vingtaine, la trentaine, la quarantaine… À la décharge de mes potes, leurs propos furent quand même beaucoup moins intenses que celui de l’animateur Louis Lacroix, qui a tweeté avoir vu des gangs de rue prendre le contrôle de sa télé, faisant référence du spectacle de la mi-temps. Le pauvre homme s’est excusé depuis d’avoir formulé de telles inepties racistes.

Eh non, ce ne fut peut-être pas le meilleur halftime show… mais certainement pas le pire. Pas les meilleurs effets 3D mais certainement pas les pires. Peut-être pas les meilleures chorégraphies, pas les pires.

Quant au rap, aux textes de Kendrick dont les détracteurs ignorent la qualité exceptionnelle, force est de rappeler aux profanes qu’il un des plus brillants auteurs populaires que les USA aient engendrés depuis 30 ans.

Sa posture éditoriale au halftime show du SB était l’occasion d’une critique au coeur de ce divertissement, sans pour autant bouder le plaisir d’y être. La propagande, ce n’est pas ça du tout.

Qui plus est, Kendrick s’entoure des musiciens et beatmakers parmi les plus allumés sur la Côte Ouest et plus encore. Et je témoigne qu’il a donné parmi les plus grands shows de hip-hop présentés dans les arénas et stades de ce monde.

Alors quand un communicateur blanc keb (exactement comme je suis) exprime une telle ignorance, un tel mépris, j’ai honte. Mais je te pardonne, JiC, je t’aime encore aujourd’hui. Tu ne savais pas ce que tu faisais, comme l’a déjà dit un autre JC en d’autres circonstances.

La diversité n’est pas un punching-bag

par Frédéric Cardin

Ceci n’est pas une critique. C’est plutôt un commentaire sur une critique parue dans Le Devoir, le jeudi 23 janvier. Pourquoi? Pas pour revenir sur les appréciations esthétiques, ou non, de mon éminent collègue (Christophe Huss, pour le nommer), mais plutôt sur le message sous-jacent qui accompagnait ce texte. 

M. Huss a commenté le concert L’inoubliable Concerto pour violon de Bruch de l’OSM, mettant en vedette le violoniste afro américain Randall Goosby, la cheffe ukrainienne Dalia Stasevska, puis la musique de Bruch, de Dvořák, de Florence Price et de l’Islandaise contemporaine Anna Thorvaldsdottir. Le critique n’a pas aimé la partition Archora de Thorvaldsdottir. Soit. Il n’a pas eu non plus de bons mots pour la prestation du jeune violoniste Goosby. Fort bien. Cela lui appartient, en tant que critique, et M. Huss explique largement les raisons musicales et analytiques de son diagnostic subjectif. Mon objectif ici n’est pas de remettre en question ses opinions en la matière. Je suis en désaccord avec certains de ses constats, en accord avec d’autres.

En toute transparence, je dirai ceci : j’aime la musique de Thorvaldsdottir. Bien que Archora pêche par un certaine longueur, j’y ai entendu un très beau discours narratif, appuyé sur de longues vagues soutenues aux cordes et aux cuivres sur lesquelles frémissent ou apparaissent spontanément des sonorités texturales intéressantes, dans un canevas général expressif et dramatique qui plonge l’auditeur dans une sorte de sombre et profonde abysse océanique. On s’y imagine, flottant dans des remous enveloppants et régulièrement mordillés par quelque créature invisible. La remontée finale vers une lumière discrète mais bienfaisante rassure et apaise convenablement. Une belle musique contemporaine dans le style actuel, à mi-chemin entre la musique savante académique et la musique cinématographique.

En toute transparence également, la prestation de M. Goosby m’a semblé appréciable. Pas la lecture la plus lumineuse du Concerto pour violon no 1 en sol mineur, op. 26 de Bruch, j’en conviens, mais à travers une interprétation sobre, voire prudente, j’ai eu du plaisir à remarquer plusieurs beaux élans expressifs ainsi qu’une technique fine et précise. Bien sûr, je reconnais aussi que j’ai entendu M. Goosby le jeudi soir, et M. Huss l’a entendu le mercredi. Des améliorations ont peut-être eu lieu en 24 heures. 

Mais tout cela est accessoire. M. Huss a ses sensibilités, j’ai les miennes, ce qui est normal et même nécessaire. Le problème du texte de mon collègue est ailleurs.

Amalgames boiteux, sous-entendus douteux

Ce qui m’a semblé critiquable, voire détestable, dans l’article de M. Huss, ce sont les amalgames que je qualifierais d’opportunistes qu’il s’est permis de faire avec le sujet de la ‘’diversité’’ dans les programmations symphoniques. Je ne réécrirai pas ses paragraphes, mais l’essentiel du sous-entendu (en fait, pas vraiment ‘’sous’’) est que la femme Thorvaldsdottir et le Noir Goosby étaient présents parce que l’OSM est tombé dans ‘’l’idéologie’’ de la diversité plutôt que de rester fidèle à la pureté artistique. De plus, l’OM voisin en paie le prix aujourd’hui (référence aux annulations de concerts annoncées récemment) si bien que l’OSM devrait prendre note.

Permettez-moi d’apporter quelques bémols à cette partition assez usée merci.

Il est dit dans le texte que Randall Goosby ‘’a déboulé subitement, en octobre 2020, à 24 ans, comme nouveau violoniste Decca alors qu’il avait totalement échappé aux radars précédemment’’. Sans être le Reine-Élizabeth en termes de reconnaissance, loin s’en faut, disons quand même que le jeune homme jouait avec un orchestre symphonique à l’âge de neuf ans (Jacksonville) et 13 ans (New York Phil, un concert Young People) et qu’il a reçu un Avery Fisher Grant en 2022 (après son contrat Decca, je reconnais). Quand on recherche un peu d’autres commentaires sur ses concerts, ailleurs sur le web, on trouve des critiques très positives et des rapports de publics très heureux et impressionnés. Ça vaut ce que ça vaut, bien sûr, mais je ne vois pas non plus d’imposture flagrante. 

M. Huss ajoute : ‘’Nous n’avions pas perçu des disques Decca que Goosby était un prodige ou un génie du violon. Les disques ne nous trompaient pas’’. Peut-être parce que le répertoire choisi par l’artiste (et la maison de disque) faisait place à des musiques marginales, que l’artiste joue d’ailleurs plutôt bien? Son premier album, Roots, se consacrait à des pièces de compositeurs.trices afro américains, donc bien moins connues et propices aux comparaisons pointues des prêtres/gardiens du Temple du répertoire classique. Son deuxième se concentrait sur la musique de Joseph Boulogne, compositeur noir et individu de talent exceptionnel, presque exactement contemporain de Mozart. Encore là, du répertoire probablement encore ‘’insignifiant’’ pour quelques observateurs, mais néanmoins de belle facture, en tous cas pas moindre que pour de nombreux autres Vanhal, Cannabich ou Reinecke bien blancs et européens. 

Randall Goosby a entièrement raison de parcourir ces pans de la musique savante occidentale, car elle demeure négligée pour des raisons d’exclusivisme et de mépris hautain longtemps généralisé. Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Mahler demeurent en haut de la pile, mais l’élargissement de la perspective fait du bien et stimule nos émotions esthétiques avec des musiques qui ont des racines profondes et une signification puissante, en plus d’être tout simplement bonnes. 

Pendant presque deux siècles, on ne jouait plus aucun Baroque. Il a fallu insister pour qu’on redécouvre des perles, mais aussi du matériel ‘’moyen’’ qui demeure tout de même extrêmement agréable à écouter, encore et encore. 

Bref, rien dans ce que je viens de dire ne fait de Randall Goosby un génie musical que mon collègue n’a pas reconnu, mais rien non plus, rien du tout, ne permet de penser que seule sa couleur de peau lui a mérité un contrat de disque et des engagements professionnels. 

Qui fait de l’idéologie, vraiment?

Des interprètes ‘’ordinaires’’, il y en a eu des tas, engagés par tous les orchestres au fil des décennies. Pendant longtemps ils étaient tous Blancs occidentaux, ou presque. C’est donc dire que, soit leur couleur de peau comptait et le retour de balancier actuel n’est qu’un rééquilibrage normal (en confirmant du même souffle l’existence longtemps dénoncée du ‘’privilège blanc’’ et du ‘’racisme systémique’’), soit non et alors l’engagement d’interprètes d’ordre inférieur n’a jamais été une question ‘’d’idéologie’’, mais une pratique inévitable dans la perspective d’une quantité phénoménale de concerts à donner partout dans le monde.

Au final, les suggestions de M. Huss quant à une sorte de dérive idéologique pour expliquer la présence d’un interprète comme Randall Goosby sont malvenues, voire grandement exagérées, et surtout non appuyées par des preuves tangibles. 

Je pourrais utiliser les mêmes structures argumentaires pour arriver au même constat en ce qui concerne la présence d’une partition de Mme Thorvaldsdottir. Et aussi relever l’ironie que M. Huss a apprécié la cheffe, Dalia Stasevska, une femme. S’il y a avait idéologie derrière ce concert, il devra reconnaître qu’elle a visé juste dans ce cas. Mmmmm…

Mais je mettrai fin ici à cette partie pour relever un deuxième point de l’article du Devoir : l’explication des déboires de l’Orchestre Métropolitain par, encore, ‘’l’idéologie’’ diversité.

M. Huss saisit la balle au bond, tel un virtuose de l’arrêt-court au baseball, époque Ozzie Smith. L’annulation de deux concerts de l’OM, pour lui, est comme un cadeau de ‘’Rudolph le renne au nez rouge’’, ce qui montre bien le biais opportuniste, mais pas tant réfléchi, de l’argument.

L’Orchestre dirigé par Yannick Nézet-Séguin a annoncé l’annulation des concerts Amour fatal et Fiesta latina  il y a quelques jours. Dans le premier, la musique de Saint-Saëns, Bizet, Strauss… et un seul titre, assez court, de la Française romantique Mel Bonis. Dans le deuxième, de la musique, en effet, latine. Gershwin, Bernstein (West Side Story) et la pianiste Gabriela Montero, assez populaire en général. La ‘’diversité’’ de ces concerts explique-t-elle leur annulation? Manque de billets vendus, ou alors difficultés économiques plus vastes (que M. Huss mentionne, à sa décharge) qui imposent ces coupures sans pour autant inclure obligatoirement la faute à la ‘’diversité’’? À mon avis, le flou est bien trop vaste pour sauter à des conclusions qui dénoncent l’emprise d’une ‘’idéologie’’, mais qui le font d’une manière on ne peut plus… ‘’idéologique’’!

Ajoutons aussi que, dans les concerts qui n’ont pas été annulés : des œuvres de Julia Adolphe (inconnue de ma part), d’Emilie Mayer et de Barbara Assiginaak. Il est vrai que celles-ci sont entourées de piliers du répertoire signés Mozart, Schubert et Tchaïkovski. Mais est-ce suffisant pour prouver un point?

M. Huss précise qu’il s’agit peut-être d’un ‘’retour d’ascenseur’’. Le public bouderait l’OM pour ses choix de ‘’diversité ostentatoire’’ dans les dernières saisons. Ouais, bon. Peut-être?

Mais à Pan M 360 nous avons constaté que la problématique s’explique possiblement par d’autres raisons. Par exemple : les productions du groupe GFN, incluant l’Orchestre FILMharmonique (les ultra populaires ciné-concerts), le Chœur des Mélomanes et d’autres offres très variées, éclectiques, ou encore celles de la série Candlelight, non seulement remportent un grand succès populaire mais semblent convaincre une partie du nouveau public gagné difficilement par l’OM (et l’OSM) à migrer chez eux. Ce public est aussi plus ‘’diversifié’’. Pourquoi se déplace-t-il ailleurs? Il faudrait analyser cela en profondeur. Mais nous doutons qu’un retour strict à une programmation basée essentiellement sur les mêmes 30 ou 40 chefs-d’œuvre absolus, que nous aimons profondément mais qui roulent en boucle dans des cycles de 5 à 10 ans, les feront revenir. 

Un public diversifié et apparemment fidèle se présente aussi, selon nos observations, aux événements de l’ensemble Obiora, constitué, justement, de musiciens et musiciennes de la ‘’diversité’’. Alors, y -t-il réellement un problème avec les programmes non conventionnels? Manifestement pas pour tout le monde.

Les problèmes financiers de l’OM peuvent aussi s’expliquer par des choix d’investissements ciblés, qui se défendent, mais qui ne sont pas liés à la diversité et qui peuvent constituer un poids important sur les finances de l’organisation. La tournée européenne à venir coûtera cher. Certaines soirées bénéfices, grandioses et probablement coûteuses, réduisent la marge de revenus qui en découlent. Etc. Mon objectif n’est pas de dire à l’OM comment conduire ses affaires, mais plutôt de démontrer que le problème peut difficilement être attribué uniquement à la programmation des dernières années et la présence dans celle-ci de femmes, de Noirs, d’Autochtones ou quiconque n’a pas l’allure de Bruckner, Schubert ou le pianiste Wilhelm Kempff. M. Huss n’a manifestement pas pris le temps de bien creuser la question.

Loin d’être une mode, la diversité est un mouvement irréversible

À PAN M 360, nous sommes conscients que le monde de la musique classique fait actuellement des efforts pour inclure plus de ‘’diversité’’ dans ses programmes (compositeurs, compositrices, interprètes, styles musicaux visités par de nouvelles œuvres, etc.). Ces efforts visent à explorer une plus large part de l’expérience humaine, artistique et intellectuelle que constitue la création musicale savante. Une part qui rend plus fidèlement compte de la vastitude de ses déclinaisons individuelles. Parfois, les résultats ne sont pas convaincants. Parfois, tout à fait. Le dosage sera peut-être à revoir, nous ne nions pas les nécessités d’ajustement dans l’exercice de programmation. Mais nous ne cautionnons pas des déductions simplistes qui concluent à une équation automatique associant ‘’qualité inférieure’’ avec genre ou origine ethnoculturelle en musique classique. Nous avons entendus assez de concerts pour savoir que la médiocrité est de toutes les couleurs et provenances, et ce depuis bien plus longtemps que l’avènement d’une soi-disant ‘’idéologie’’ sur la diversité.

Nous ne voyons pas non plus en quoi la diversité comme principe expliquerait les déboires financiers de certaines institutions. Nous constatons plutôt un besoin qui grandit et un public potentiel ‘’à travailler’’ de façon plus efficace et convaincante. Un besoin qui ne disparaîtra pas puisque la démographie traditionnelle de l’Occident est en train de se métamorphoser à vitesse grand V, en termes ethnoculturels. Quant à la moitié de la population traditionnelle de l’Occident, les femmes, elle ne reviendra pas de sitôt à un anonymat contemplatif placé dans l’ombre de l’autre demie. Aucun chef-d’œuvre traditionnel n’est menacé. Il y a suffisamment d’espace pour tous et toutes. 

La diversité est une réalité. Nous devons le reconnaître et embrasser ses possibilités. Quelles méthodes utiliser pour jouer en harmonie avec elle, sans négliger les sommets historiques de l’expression humaine? Qu’en fait-on, comment, pourquoi, pour qui? Le débat est ouvert, et doit l’être. Mais son principe même ne peut tout simplement être remis en question, encore moins être qualifié de ‘’mode’’. Tout le monde doit être convié à la discussion. Celle-ci ne doit pas être laissée entre les mains de quelques personnes qui semblent, à priori, en avoir déjà estimé la conclusion de façon méprisante et condescendante. 

En faisant les sous-entendus qu’il a fait de façon précipitée et opportuniste, dans un argumentaire bien écrit mais intellectuellement fragile, voire maladroit, mon collègue dont j’estime quand même la science et le savoir, a ouvert la porte non pas à ce débat essentiel et constructif, mais à l’arrivée dans celui-ci de ceux qui envahissent également les réseaux sociaux pour y implanter de façon agressive et violente leur propre… idéologie d’arrière-garde. 

Ce faisant, M. Huss a malheureusement confirmé un autre cliché désolant dans la tête de certains irascibles ‘’wokes’’ : celui du méchant Homme blanc d’un âge moyen, incapable de concevoir le monde en dehors de ses propres privilèges acquis et dégustés sans retenue au cours des derniers siècles. 

Source de l’article cité :

https://www.ledevoir.com/culture/musique/835483/critique-concert-fantasia-declin-empire-symphonique

Guy Landry (1967-2025) – Le dernier des Flokons Givrés

par Patrice Caron

L’homme qu’on pensait invincible, pas tuable et probablement déjà en train de faire suer Satan, Guy Landry des Flokons Givrés, a finalement trouvé, on l’espère, son Walhalla au début de 2025.

Il rejoint Bertrand Boisvert et Peter Boucher, ses premiers acolytes des Flokons Givrés, l’un disparu en 2015 et l’autre en 2005. Pas sur qu’ils sont dans le grand orchestre dans le ciel mais si c’est le cas, ça doit brasser un peu.

Formation mythique montréalaise de la fin des années 80/début 90, les Flokons Givrés seront dès le début « difficiles » avec les personnalités plus grande que nature de Guy et Bertrand, qui n’en avaient rien à chier du concept même de groupe musical, utilisant ce véhicule pour cracher à l’univers tout le mal qu’ils en pensaient et combattre leurs propres démons.

Les Flokons Givrés en show, ce n’était jamais ordinaire et il y avait des bonnes chances que ça chie. Grâce à un demo légendaire paru en 1989, il y avait une demande et le band en a profité…pour fucker le momentum. On ne compte plus le nombre de shows qui se sont terminé dans le chaos, les amplis qui pêtent, Guy qui joue non-stop, avec Bertrand hilare/fâché/indifférent pis Banchon qui s’en va, à bout de patience.

Mais quand la magie se passe, c’est la communion, le public crie les paroles, ça revole et la guitare nous scie en deux. Ce n’était pas de quoi qui se pouvait aux Foufounes, fallait que ça soit plus trash, minimal, primal. Qu’on puisse se faire mal. Ce fut rare, ce fut raide, mais ça fait’ son effet.

Le premier démo, produit initialement en petite quantité et ensuite doublé-copié des milliers de fois, a fait son chemin partout au Québec et même en Europe, par le bouche à oreille uniquement. Ça a établi les Flokons Givrés comme groupe-culte et influencé d’une certaine façon une génération de punks francophones du Québec avec leur punk-metal plus près de Discharge que de Bérurier Noir.

Principalement actifs de 1989 à 1992, les Flokons Givrés incarnent à leur façon le crossover parfait entre le punk, le metal et le hardcore, avec un phrasé québécois qui coule, naturel. Si des hymnes comme Plus rien à boire ou Vedge à l’os peuvent donner l’impression que ça ne vole pas haut, L’escargot ou encore Un skin c’t’un skin viennent brouiller les cartes et laisser entrevoir une intelligence et une lucidité qui, au minimum, pique notre intérêt.

Et malgré les moyens volontairement lo-fi, musicalement, encore là, ça se démarque de ce qui s’écoute dans le créneau à l’époque. Pas dans la virtuosité mais dans l’intention, l’internalisation des influences et la version bien unique de celles-ci rendue par Les Flokons Givrés. Ils vivent ce qu’ils racontent et ça parait aussi avec la musique.

C’est presque dommage que leur plus grand « succès » soit une reprise de Banned from the pubs de Peter and the test tube babies, la célèbre Barré des foufs , mais ça correspond tellement à l’idée qu’on se fait des Flokons, encore plus quand on les connaissaient personnellement, que la chanson a fini par complètement leur appartenir et être le premier souvenir qu’évoque la mémoire du trio.  

Loin d’être Vedge à l’os, les Flokons Givrés, malgré un nihilisme intrinsèque, avaient le sens de la formule, avec des titres évocateurs, quelque chose à dire et l’éloquence pour l’exprimer. Le reste des histoires liés au band ont nourris leurs légendes mais à la base, son répertoire se tient tout seul.

C’est les personnalités fortes de Guy et Bertrand qui ont forgés ce répertoire et la trajectoire du band, pour le meilleur et pour le pire. Chacun a ensuite continué à challenger le réel après l’implosion des Flokons, de façon unique à eux seuls et sont les sujets de plein d’histoires qui se racontent au bord d’un feu en fin d’un trip de mush, avec juste assez de distance pour en rire et raviver le souvenir des fameux Flokons Givrés.

Sinon il reste un « Best of » paru en CD au début des années 2000 et un version vinyle parue en 2011, à très petit tirage. Il y a également cet hommage, paru en 2024 https://studio1222.bandcamp.com/album/vedgis-revedgis-flokonum

Il y a aussi ça sur youtube, le temps que ça dure. On y trouve aussi la plupart des chansons en audio seulement. Pour le moment.

Au sujet de cette puante zizanie au top du hip-hop: Kendrick vs Drake

par Alain Brunet

La sortie récente de GNX, album surprise du surdoué Kendrick Lamar Duckworth, s’inscrit dans le brouhaha de ce conflit nauséabond entre Kendrick Lamar et Drake, amorcé il y a un an. En octobre 2023, la chanson First Person Shooter de Drake impliquait le rapper J Cole et ce dernier y affirmait son appartenance à un « Big Three » incluant Kendrick et Drake, l’hôte de ce dernier. Et puis… s’ensuivit une spirale de diss tracks, dont l’objet est dénigrer son interlocuteur et dissuader le public de sa sa pertinence.

Ce dernier a rejeté la trinité proclamée et exprimait son désaccord sur Like That. Et puis J Cole, froissé par ce rejet, a répliqué avec 7 Minutes Drill , critiquant du coup To Pimp A Butterfly, joyau de Kendrick jugé maniéré. Drake, qui ne se prend certes pas pour une orange, en a remis une couche, affirmant dans Push Ups que plusieurs artistes hip hop/soul sont supérieurs à Kendrick. Kendrick relançait l’engueulade avec Euphoria, puis Drake avec Taylor Made Freestyle, associant indirectement Kendrick à l’ascension de Taylor Swift afin de dénigrer son rival. Dans Taylor Made Freestyle de Drake, encore pire : une reproduction IA de feu Tupac Shakur s’en prend à Kendrick.. pendant que frappait ce dernier avec deux missiles: 6:16 in LA et 8 AM in Charlotte.

Le pugilat verbal a carrément dégénéré avec Family Matters de Drake, suggérant que les enfants de Kendrick aient été conçus par son meilleur ami. Furieux, Kendrick sortait Meet the Grahams dans laquelle il laissait entendre que Drake kiffait les mineures et qu’il était désolé pour son fils Adonis d’avoir un tel père. Dans Not Like Us, Kendrik décrivait Drake et ses potes comme une confrérie de pédophiles, carrément. Et devinez quoi, Drake a ensuite laissé entendre que la vie conjugale de Kendrick était marquée par la violence et qu’il ne pouvait plus voir ses enfants.

Des poursuites judiciaires furent amorcées depuis, l’affrontement se poursuit encore aujourd’hui… Il y a quelques jours à peine, a-t-on pu lire dans les médias occidentaux dont les nôtres, le rapper canadien accusait Universal Music Group (UMG) d’avoir consenti à Kendrick des droits de diffusion à prix réduit chez Spotify à condition qu’on y recommande le single Not Like Us à ses abonnés, en plus d’avoir installé des bots pour en augmenter faussement le nombre d’écoutes.  

Pendant que les couteaux volent de plus en plus bas, Drake prévoit être en Australie lorsque Kendrick triomphera à l’entracte du Super Bowl LIX.

Un pas de plus et on sort les guns, comme dans les années 90 ?

Si l’on revient aux sources du conflit, soit la proclamation du meilleur, la conquête du trône, admettons d’abord que les qualités de Drake, de J Cole et de Kendrick sont différentes et difficilement comparables.

Cela étant, je suis d’avis que Kendrick Lamar Duckworth demeure le mastermind du hip-hop, alors que Drake ne peut souhaiter mieux que le championnat de l’extrême-centre générique, tandis que J Cole doit être considéré comme un maître incontesté du flow mais relativement conformiste dans la forme et dans le propos.

Il m’apparaît évident que la substance de Kendrick est plus riche, plus innovante, plus raffinée, dans le texte comme dans la musique et le beatmaking. Je m’étonne encore de son succès de masse, une une exception qui confirme la règle pour une proposition artistique de cette envergure.

Cela étant, je me désole de son épais bombage de torse, voire son immaturité émotionnelle à se prêter à un jeu aussi puéril, à souffler à pleins poumons dans une telle balloune de testostérone. Un garçon aussi brillant n’a donc pas évité ce piège à con de mâle alpha. Honte à lui et à ses désormais ennemis à la vie à la mort.

Culture Cible en très mauvaise posture

par Alain Brunet

Je viens d’écouter le balado pour commémorer 10 ans de la coopérative Culture Cible, qui réunit les plateformes Atuvu.ca, Sors-tu.ca, Le Canal Auditif, Bible Urbaine et Baron Mag. Certaines de ces plateformes éprouvent actuellement de très graves problèmes financiers, à tel point que Sors-Tu et Le Canal Auditif pourraient même envisager fermer boutique ou réduire considérablement leurs activités à l’orée de 2025. C’est sérieux.

Le balado de Culture Cible raconte la décennie de son existence. Marc-André Mongrain (Sors-tu), Louis-Philippe Labrèche (Le Canal Auditif) et Arnaud Nobile (Atuvu) y relatent leur émergence et leur mutualisation en coopérative, afin de partager des services administratifs, de développer des services de rédaction et de maximiser leur circulation en l’additionnant pour ainsi vendre de la pub.

Pour expliquer le contexte dans lequel ils ont émergé et évolué, ils évoquent de la mort de Voir et la complémentarité de leurs plateformes avec un monde médiatique traditionnel (La Presse, le Devoir, Radio-Canada) peu enclin désormais à couvrir exhaustivement la diversité des propositions artistiques au pays. Toutefois, ils ne parlent pas de l’arrivée de PAN M 360 il y a 5 ans dans l’environnement numérique, sans compter les autres petites plateformes de la même constellation – Écoute donc ça, Feu à volonté, Ludwig Van, etc. Mais bon, dans le contexte, on peut comprendre et excuser cette omission consciente ou inconsciente.

En bref, on y rappelle que les acteurs Culture Cible se sont constitués en coopérative pour mutualiser leurs services et pour maximiser leurs revenus publicitaires, vu la circulation quintuplée de leurs usagers, et donc un marché publicitaire potentiellement attractif. Ce modèle d’affaires a plutôt bien fonctionné pendant un moment, on a alors observé de l’optimisme chez les propriétaires de ces plateformes – il faut préciser ici que ces sites web unifiés en coop sont à but lucratif et enrichissent d’abord leurs propriétaires si argent il y a bien sûr, comme c’est le cas de toute entreprise privée.

On y comprend surtout que ces efforts louables de mutualisation des plateformes en question résultent de plusieurs réflexions sur la professionnalisation des plateformes indépendantes, aussi du développement visionnaire de Data-Coop par Arnaud Nobile pour ainsi maximiser le référencement de nos contenus en partageant les métadonnées des éventuels participants.

Mais… depuis la pandémie, les revenus publicitaires de Culture Cible se sont mis à chuter, le développement de la coopérative a été freiné, la production de contenus n’a pas progressé comme elle aurait dû (sinon ralenti), sauf peut-être le développement de Data-Coop Culture par Arnaud Nobile. Avant que cette dernière initiative ne porte fruit, il pourrait ne plus avoir de Culture Cible pour en bénéficier et en faire bénéficier ses éventuels adhérents. La dernière année fiscale a été très éprouvante, à tel point que la tragédie serait à l’horizon pour certains. D’où l’alarme sonnée cette semaine.

Nous, de PAN M 360, croyons ferme à la mutualisation de ces initiatives de médiation culturelle (interviews, recensions, analyses, etc.) via les médias culturels indépendants. Leur mutualisation est essentielle à leur pérennisation. Dans le contexte actuel, une « saine concurrence » dans un environnement médiatique aussi ingrat, n’est vraiment pas un gage de réussite pour les nouveaux médias que nous sommes. Et c’est pourquoi nous souhaitons tisser des liens pour construire un environnement propice à la croissance avec nos alliés de Culture Cible, même si nous ne faisons pas partie de cette coopérative.

Depuis ses débuts, en fait, PAN M 360 réfléchit au modèle de mutualisation qui permettra la consolidation et l’expansion de ces initiatives porteuses d’avenir. Depuis deux ans, d’ailleurs PAN M 360 a tenu plusieurs discussions de rapprochement avec les acteurs de Culture Cible afin de faire évoluer ce dossier. Afin d’amorcer ce processus de mutualisation des plateformes indépendantes, des demandes de subvention ont été acheminées par notre organisation au Conseil des Arts du Canada après avoir obtenu notre éligibilité au terme d’un long processus. Subvention refusée au printemps dernier. Pendant de temps, Culture Cible demandait une aide complémentaire au ministère du Patrimoine Canadien pour mener à bien ce projet ambitieux. Subvention aussi refusée. Après quoi… retour à la survie et à la précarité.

Plus tôt cet automne, PAN M 360 et Culture Cible avaient l’intention d’organiser sans subventions un grand rassemblement des plateformes culturelles indépendantes pour y lancer le processus de mutualisation, au-delà d’une simple association. Force est d’observer que cela risque de ne pas se produire.

Voilà qui est TOTALEMENT inacceptable.

Rappelons que l’aide publique à la culture existe entre autres pour la production de musique, de cinéma et de télé, pour des périodiques culturels imprimés destinés à des publics extrêmement spécialisés et donc à rayonnement restreint – ce qui est tout à fait défendable en ce qui nous concerne. Grosso modo, si vous créez ou produisez ou encore écrivez des pavés très spécialisés sur une forme d’art, vous êtes subventionné. Alors pourquoi eux et pas nous ??? Pourquoi ces plateformes nous incluant cumulent ensemble des centaines de milliers d’ouvertures de leurs contenus en ligne, dont une portion importante est consommée à l’étranger (allo découvrablité !) n’ont droit qu’à des pinottes du financement public ?

Il faut ici insister: sans subventions fédérales et provinciales, sans crédits d’impôts, les acteurs québécois et canadiens de la culture ne pourraient fonctionner comme ils l’ont fait depuis des décennies. Notre cinéma et notre télé n’existeraient pas ou si peu, idem pour les écrivains et leurs éditeurs qui seraient en très mauvaise posture pour passer les mois nécessaires à la rédaction de leurs manuscrits… on en passe et des meilleures.

Par voie de conséquence, ce laxisme ou cette ignorance des pouvoirs publics en matière de culture en ligne contribue indirectement à tuer dans l’œuf nos initiatives passionnées et courageuses. Que les principales plateformes de Culture Cible soient au bord du gouffre en est une triste démonstration.

À l’évidence, le modèle d’affaires des plateformes indépendantes au Québec comme au Canada doit aussi passer par un soutien public permanent à leur fonctionnement, comme c’est le cas de TOUT le secteur culturel – formation, création, production, diffusion. Croire que les médias traditionnels pourront de nouveau assurer cette médiation comme ils l’ont fait depuis les années 50 est un leurre et un manque de vision pour le développement et le rayonnement de notre culture.

Pour assurer la découvrabilité de cette diversité dont tout le monde parle dans le secteur culturel, le vieux monde des médias n’y pourra pas grand-chose. L’avenir d’un nouvel écosystème numérique, juste et équitable, appartient plutôt aux grappes organisées et cohérentes de la médiation culturelle, à la circulation maximisée des contenus spécialisés en ligne. Le sauvetage provisoire des médias traditionnels ne changera aucunement la donne – bien qu’il soit souhaitable à court terme, si ce n’est que pour maintenir la production de ses artisans compétents et rigoureux.

Or, pendant qu’on soupèse en haut lieu le bien-fondé de nos initiatives, des artisans cruciaux de Culture Cible sont au bord du gouffre. Pour nos alliés que sont Le Canal Auditif, Sors-tu.ca et Atuvu.ca, cela pourrait donc être catastrophique. Éventuellement, cela pourrait être aussi tragique pour PAN M 360, dont le modèle d’affaires est différent – nous sommes un OBNL, personne n’est propriétaire de quoi que ce soit, nos minuscules bénéfices résultant surtout de nos partenariats avec l’écosystème musical sont partagés entre nos artisans, le reste de la cagnotte étant investi dans le produit et assurant le paiement des frais fixes.

À PAN M 360, notre croissance est réelle mais ô combien modeste… et pourrait être stoppée à tout moment si l’écosystème de la musique cessait d’y contribuer dans un contexte où l’argent public venait à fondre dans les budgets de nos partenaires. Qui serait alors coupé illico dans leurs dépenses? Je vous le donne en mille.

Voilà pourquoi une aide d’urgence est nécessaire à la survie de Culture Cible et aussi à celle de PAN M 360, les acteurs les plus importants de cette jungle médiatique, protagonistes auxquels se joignent de plus petits joueurs ayant droit au chapitre.

Aujourd’hui, nous compatissons avec nos alliés de Culture Cible qui souhaitent d’abord sauver leurs peaux et… nous nous inquiétons tout autant de notre propre sort, à court et moyen termes.

Un seul mot en conclusion : solidarité.

Lucien Francoeur (1948-2024) – Requiem pour un rockeur

par Patrice Caron

C’est au lendemain de l’incarnation du Cauchemar américain que Lucien Francoeur sanglait son dernier bagage sur son bicyk et décollait rejoindre le grand orchestre de l’aut’bord. Et comme il se doit, les médias lui ont rendu hommage à la hauteur de sa légende. Il aurait été, je crois, assez satisfait de l’effet produit par sa sortie côté ciel. En tout cas moi, j’en suis bien fier pour lui, enfin redevenu aussi big qu’il aurait dû l’être pendant les dernières années de son existence.

Trop jeune pour avoir connu Lucien Francoeur du temps de la première période d’Aut’chose, c’est avec le classique Nancy Beaudoin et le Rap-à-Billy (et les publicités de Burger King) que j’ai pris conscience de son existence. C’était aussi l’époque CKOI, avec ses plogues de garages, restaurants et autres retours d’ascenseurs. Il parait qu’il y lisait aussi de la poésie mais je ne l’ai jamais écouté assez longtemps pour en être témoin, il me donnait plutôt envie de changer de poste. Il était associé dans ma tête au rock fm québécois à la Gerry Boulet, rien pour me donner le goût d’écouter le vinyle qui trainait dans la pile de disques à ma mère.

En 2001, je travaillais aux Foufounes Électriques quand Aut’chose tente un retour avec La Jungle des villes, un album sans grand intérêt et vu la foule parsemée présente ce soir-là, c’était un retour qui n’excitait pas grand monde. J’avais écouté 3-4 chansons pour voir ce qu’était Aut’chose mais ce n’était pas encore la meilleure introduction et j’ai fini par passer le reste du show à mon bureau à attendre que ça finisse. En faisant le tour après, j’ai croisé Lucien dans les loges mais vu mes a priori, je l’ai regardé un peu de haut et il me l’a bien rendu, haha.

C’est en 2005, avec le spectacle commémoratif du 30e anniversaire de son premier album et la parution de Chansons d’épouvantes un mois plus tard, que le déclic s’est fait. Attiré par le super groupe qui revisite des classiques de Aut’Chose, avec en plus du membre original Jacques Racine (décédé le 18 septembre dernier), s’ajoutaient feu Denis « Piggy » D’Amour et Michel « Away » Langevin de Voivod, Vincent Peake de Groovy Aardvark et Joe Evil de Grimskunk, la musique d’Aut’chose prenait tout d’un coup une dimension dépassant la caricature qui avait fini par remplacer l’original. Lucien brillait carrément, fier de présenter cette version d’Aut’chose, fier d’être encore là et fier d’être à sa place, au devant de la scène avec un micro dans les mains.

Il était sorti de sa passe « vendeur de char ». Enfin. Et il saisissait la chance qu’il avait d’avoir ces musiciens avec lui, il était toujours Francoeur mais avec une coche moins prétentieuse. Et qu’il fut avec des musiciens que je considérais de ma gang aidait aussi.

J’ai donc donné une autre chance à Aut’chose, en commençant par le début et bang, tout se place. Je comprends le choc de l’époque et de l’influence que ça a eu sur la suite du rock au Québec, musicalement au diapason du rock tripeux de ces années et surtout, avec un frontman unique qui a donné toute sa saveur à la discographie d’ Aut’chose.

Habité d’un idéal presque naïf quant au rock’n’roll et de son importance, le personnage choque autant, sinon plus, en entrevue que sur disque ou sur scène, ce qui moussera la personnalité de Francoeur au détriment éventuel du groupe. Mais la graine était semée, et pour le meilleur et pour le pire, l’effet Francoeur s’est fait sentir depuis.

C’est à la parution du livre L’Évolution du heavy métal québécois en 2014 que je rencontre vraiment Lucien pour la première fois. Comme mon regard sur lui avait changé et quand il sentait qu’on l’aimait, Francoeur laissait la place à Lucien, ça a cliqué.

Quelques mois plus tard, je décide de changer le nom du trophée remis aux GAMIQ, jusque là nommé Panache, par celui de Lucien. Parce qu’il méritait qu’on souligne son apport à l’histoire du rock au Québec, particulièrement pour son influence sur ce qui allait devenir la scène alternative, avec Voivod bien sûr mais aussi Groovy Aardvark, Grimskunk, Gatineau, Galaxie et quantité d’autres mais surtout pour son attitude qui, à mon avis, a été aussi fondamentale dans l’érection de sa légende que sa poésie ou la musique qui l’a porté. Parce que c’est ça qui a fait la différence. Et qui la fait encore, c’est ce qui explique le succès, ou non, d’un artiste plus qu’un autre. Bref, je trouvais que ça incarnait bien l’idée derrière le GAMIQ.

Il n’a pas été le premier mais il a été celui dont on parlait. Parce qu’il était unique, que le timing était bon et qu’il a saisi l’occasion.  C’est une chimie difficilement atteignable, même lui a souvent failli à retrouver cet état de grâce mais au début des années 70. Cette fois, Francoeur était sur son x et y a bâti un monument qui se tient toujours debout.

Parce qu’au-delà d’une discographie ou de littérature, c’est surtout de son influence qu’on se rappellera dans l’histoire du Québec. Ça ne tient pas à des premières places aux palmarès ou des trophées sur la cheminée mais à une œuvre qui a marqué son époque et inspiré la suite de l’histoire. Y’a pas tant d’artistes qui peuvent se vanter de ça. Lucien Francoeur oui.

Photo Camille Gladu-Drouin

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