Ayant une carrière forte de 15 années, qui éclipse désormais son passage au sein de Massive Attack, Tricky nous présente Fall to Pieces, son 14e album, faisant suite à Ununiform paru à l’automne 2017. Malgré la chaleur et le réconfort qu’apportent deux chanteuses invitées à cet album autrement sombre, aux ambiances claustrophobes, on accepte les limites de ce voyage sonore, mais avec un peu de déception au départ : Tricky réussira presque, mais pas tout à fait, à nous amener là où il le souhaitait. Mais où au juste ? Les pièces nous interpellent et son souci du détail est remarqué ; on voudrait volontiers se faire envelopper et emporter par elles.
Mais pour cela, il faudrait que celles-ci nous permettent de perdre la notion du temps, tel le dicton « Le temps passe vite lorsqu’on s’amuse » …Or, à peine sommes-nous partis, la brièveté des pièces nous ramène brusquement sur terre. On se demande, entre chaque pièce : déjà terminé ? Mais pourquoi donc ? On imagine une suite, un développement, qui n’y sera pas. Il faut dire que 2019 fut une année très difficile pour Tricky, affligé par le décès de sa fille. Sa pièce Hate this Pain , la 5ième de 11, qui ne se marie pas aisément au reste de l’album, traduit en musique son deuil sous forme d’un duo de blues accompagné de piano et de violoncelle. Lorsqu’on connaît le contexte, l’on comprend cet interlude douloureux, chaque fin de chanson étant effectivement vécue comme une interruption trop hâtive.
L’album d’une durée de 28m30s comprend 11 pièces, dont neuf avec Marta Zlakowska, une chanteuse que Tricky rencontra fortuitement lors d’une tournée en Pologne, et deux avec la chanteuse et compositrice Danoise Nanna Øland Fabricius, connue sous le nom de Oh Land. On apprécie la voix agile mais emplie de simplicité de Marta, qui amène tantôt sensualité, comme sur la pièce mélodique et langoureuse Fall Please ou celle plutôt R&B Chills Me to the Bone ; mais sa voix évoque aussi une certaine fragilité comme on l’observe à l’écoute de Close Now. En contraste, Oh Land a une voix qui rappelle, sur la chanson Running Off, d’autres collaboratrices sporadiques du milieu trip-hop, soit Elizabeth Fraser et Alison Goldfrapp. Ces invitées nous donnent donc envie de réécouter l’album. Puis, somme toute, les mélodies sont fortes même si courtes. Et finalement, on le lui pardonne. Et on apprécie, de plus en plus, à chaque écoute, ce qu’il a voulu et a été en mesure de nous partager.