D’origine polonaise, ayant vécu à Détroit et maintenant établi à Brooklyn, l’artiste multidisciplinaire Jakub Alexander, alias Heathered Pearls, roule sa bosse dans la scène électronique depuis longtemps. Gérant de Tycho puis DJ sous l’alias Aarnio, c’est sous le nom de Heathered Pearls qu’il lance Loyal en 2012, un premier album ambient aux boucles hypnotiques. Suivront deux albums et un EP de musiques ambient, downtempo et dance ayant en commun les motifs répétitifs. Sur Cast, on les retrouve combinés au spoken word créant cette impression de bande passante texturée qui diffuserait de temps à autre le contenu d’une capsule temporelle.
Comprenant peu d’éléments percussifs, ce sont les jeux d’arpèges, les cycles de tension ∕ relâchement et l’entrelacement des motifs qui engendrent le rythme. Sur la pièce d’introduction Missing Heights, des notes de piano jouées simplement sont submergées par le flux et reflux de nappes sonores planantes. Sur Caveat Emptor, des sons de cordes pincées rappellent la harpe japonaise et forment des motifs qui se déplacent comme des bulles sur l’eau. La cadence s’intensifie sur Ultra Blue où des boucles de synthés dessinent un paysage éblouissant sur fond de pulsations polyrythmiques, dont une pulsation cyclique qui rappelle l’hélice en plein vol. Puis, selon la pièce, les grooves s’affinent ou se dissolvent en des masses de sons brumeux et laissent émerger la poésie improvisée d’artistes invités, parmi ceux-ci Nick Murphy (anciennement Chet Faker), la légende du techno de Détroit Terrence Dixon ainsi que l’artiste multimédia et beau-père d’Alexander, Krzysztof Wodiczko. Semblable à l’écriture automatique et au collage, leur spoken word va dans tous les sens, abordant entre autres le culte voué aux artistes ou détaillant les impressions affectives qui découlent de gestes ordinaires. Cette poésie désorganisée favorise la rêverie et met en relief le rythme organique que forment le débit et les inflexions des voix.
Heathered Pearls aurait gagné à intégrer des transitions plus nuancées entre certaines pièces, mais ce n’est qu’un minuscule bémol. Tout compte fait, Cast est un album apaisant dont l’écoute nous fait quitter puis fouler le sol en boucle.
