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Pays : États-Unis Label : Blackmage Genres et styles : bruitiste / électronique / hip-hop / industriel / metal / trap Année : 2020
Ghostemane

Anti-Icon

· par Alex Labonté

Après l’abrasif N/O/I/S/E (2018) et son projet de black metal lofi Baader-Meinhoff, Ghostemane nous emmène à nouveau dans son alcôve glauque, révélant ses sombres secrets ensorcelants.

Précis comme un boucher, il a découpé treize pièces à même les abominations du monde et celles qui lui sont propres, peignant son rétablissement d’une dépendance aux opiacés dans des teintes plus que rouges (écarlate, bourgogne, grenat, toutes les variantes y sont). On a en main un nuancier morbide, montrant toutes les déclinaisons possibles du désespoir. De rares éclats de blanc s’y retrouvent parfois, échos de la solitude, témoins de cet enferment inouï et presque inhumain vécu à l’endroit aseptisé où tous les toxicos doivent passer. Ghostemane excelle dans l’art de mettre en lumière nos angoisses souterraines à travers des chansons qui s’enfoncent dans la mémoire comme des épines dans la chair. On portera longtemps les cicatrices de ses lacérations musicales. 

Plutôt ancré dans le métal, avec beaucoup de chansons qui semblent structurées autour de la guitare (comme Vagabond, Lazaretto et Calamity), le produit final présente toutefois une vulnérabilité nouvelle, surtout sur Falling Down, conclusion de l’album où Ghostemane se révèle presque en douceur (!) sur des accords obsédants de guitare acoustique. Anti-Social Masochistic Rage [ASMR] donnera des frissons aux gens réceptifs aux sensations distinctes données par les sons de l’ASMR, ce phénomène issu notamment des vidéos YouTube. Ici, l’artiste chuchote très près du microphone et on entend beaucoup ses consonnes sibilantes (comportant des Z ou des S ou des consonnes occlusives – B ou P), de même que ses respirations. Par ailleurs, Melanchoholic est un bel hommage à ses racines se terminant sur une reprise au piano du riff emblématique de Freezing Moon du groupe de black metal norvégien Mayhem.

L’artiste semble également clamer (sans toutefois jamais vraiment le dire) qu’on a totalement le droit d’avoir des identités multiples. Une sorte de message subconscient, un fil conducteur traversant silencieusement tous ses albums : n’être qu’une seule chose, ce serait bien réducteur. Oui, Ghostemane fusionne le trap au métal, l’industriel au hip-hop, mélange les styles et brouille les pistes, mais il ne fait pas que ça : il s’épanouit également à travers des concepts visuels marquants. On n’a qu’à voir ce « casque de douleur » sur la pochette d’Anti-Icon ou ses maquillages artistiques inspirés des corpse paint. Ghostemane est un artiste à part entière et ça se sent dans l’esthétique générale du personnage et de ses costumes extravagants, faux ongles pointus en prime. Paré de ses vestes tactiques et militaires, il est le protecteur de tous les gens qui se sentent différents, prêt à brandir les armes devant quiconque ose brusquer son armée.

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