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RADAR : Mon Doux Saigneur à l’assaut du Ministère

Interview réalisé par Arielle Caron
Genres et styles : country / folk / rock

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Le voilà maintenant prêt pour son premier spectacle-mentorat au Ministère, où il se produira le mardi 25 avril dans le cadre de la série RADAR, présentée par M pour Montréal et Mundial Montréal, dont l’objectif est de mettre en lumière l’émergence québécoise accompagnée chaque soir d’un artiste déjà consacré. Originaire de St-Jean-Sur-Richelieu, Émerik St-Cyr Labbé se produit en tant que Mon Doux Saigneur depuis près de dix ans. Proposant un mélange de folk, de blues et country, qui nous propulse parfois quelques décennies dans le passé, l’artiste s’est d’abord fait connaître avec sa participation aux Francouvertes en 2016. L’année suivante, son premier album éponyme était sacré album indie rock de l’année au GAMIQ. Horizon, en 2020, mènera Émerik et son groupe à se produire à travers le Québec. Son dernier opus, Fleur de l’Âge, est paru l’année dernière.

PAN M 360 : Tu te produis maintenant en tant que Mon Doux Saigneur depuis près de 10 ans. Comment penses-tu avoir évolué depuis tes débuts?

Émerik : Je pense que j’ai beaucoup pris confiance dans l’art de la chanson en général. J’ai aussi pris plus confiance à chanter; on dirait que ça m’a permis de développer ma poésie, mais aussi de la garder bien distincte, de trouver celle qui m’est propre. Aussi, c’est plus facile aujourd’hui de déterminer quand une chanson est terminée. Avant, ça me prenait vraiment plus de temps, j’étais beaucoup plus incertain.

La cohésion entre les musiciens est rendue vraiment solide. C’est un peu comme une télépathie ; on ne s’explique pas toujours ce qu’on fait, mais on se comprend. C’est un peu comme une chaîne de restaurant, ou on sait de quoi les repas sont supposés avoir l’air. On arrive à mieux diriger la création, donc je suis un peu moins stressé qu’au début.

PAN M 360 : Peux-tu me parler de ton processus créatif?

Émerik : Souvent, avec mon groupe, on va commencer par discuter ensemble de quelle ambiance on veut créer. Par exemple, pour le prochain album, on a déjà décidé précisément ce qu’on voulait, donc on a entamé la création. Une fois qu’on a une idée de ce qu’on veut, on y va pièce par pièce, en instaurant une sorte de balance. On veut toujours une chanson assez énergétique pour le spectacle, des chansons qui misent sur le texte, d’autres sur le côté dansant. On a toujours le réflexe d’intégrer une espèce de balade, ou c’est plus intime. Une fois que j’ai un plan, j’y vais chanson par chanson.

Parfois c’est long, parfois moins ; ça dépend un peu de l’objectif. Si c’est de faire une chanson énergétique avec de l’entrain, qui nécessite peu de mots à la base, les paroles vont arriver plus vers la fin. Quand le thème et le choix des propos dictent l’ambiance de la chanson, il y a une bonne partie du processus ou je vais gratter la guitare et chanter. Puis, quand le plan est presque fait, on y va couche par couche, en ajoutant les arrangements et les instruments. Quand j’écris ou qu’on compose, on imagine la batterie, la guitare et la basse en premier, puis le reste se décide sur place, en studio. On crée pas mal en même temps qu’on enregistre. C’est du bloc par bloc, un peu comme des legos. Ce n’est pas laissé au hasard, mais il y a une partie de nous qui est toujours prête à accueillir les surprises.

PAN M 360 : On remarque beaucoup d’inspirations des années 1970 et 1980 dans tes chansons. D’où vient le désir d’intégrer de tels éléments?

Émerik : Ça vient surtout du fait qu’on aime beaucoup ça, qu’on en écoute beaucoup. On s’inspire beaucoup des groupes dont la personnalité découle directement de l’union des musiciens. Par exemple, la personnalité de Led Zeppelin dépend de ces musiciens qui jouent ensemble ; ce ne serait pas Led Zeppelin si ce n’était pas ces musiciens-là réunis. C’est un peu notre école de pensée. Notre attribut le plus singulier, c’est la personnalité qui émerge quand on joue ensemble, et on chérit beaucoup ça.

Il y a aussi quelque chose de vintage dans les instruments qu’on utilise. Après, on va toujours s’amuser à mélanger les textures et les sons pour ajouter une touche moderne. On écoute autant du Radiohead sorti en 2022 que du Pink Floyd, mais on voit les liens communs au travers tout ça, et ce sont des trucs qu’on aime mélanger. En même temps, si on écoute une nouvelle chanson de Béyoncé et qu’on aime le son de la tambourine, par exemple, c’est possible qu’on s’y réfère et qu’on veuille l’intégrer.

Dans les années 70 et 80, il y avait une sorte d’énergie, qui venait probablement du fait que c’était nouveau à l’époque. On entend le côté révolutionnaire là-dedans. Même si ça fait longtemps, c’est quelque chose qu’on s’amuse à ramener, on se force à revivre ce genre d’émotions, qui sont propres à une espèce de cohésion entre les musiciens, qui ne sont pas assurées par un ordinateur.

On marche toujours sur des coquilles d’œufs, mais c’est ça qui fait la magie. Pour moi, c’est important de se garder une marge d’erreur, qui est propre à l’esprit de jam qui arrive quand on joue ensemble. On peut jouer la même chanson de plusieurs façons, mais on va souvent s’amuser à jouer avec des nuances pour créer des escalades, pour qu’il y aille un aspect dynamique et spectaculaire. On retrouve beaucoup ça dans ces années-là. Il n’y a pas d’effets spéciaux, c’est juste le groupe qui joue de différentes manières pour en créer. On est aussi fervents du fait de tout enregistré comme c’est joué, sans trop de retouches.

PAN M 360 : Tu as sorti un vidéoclip pour « art vivant » il y a quelques temps. Peux-tu me parler de ce visuel?

Émerik : C’est mon ami Virgile, qui avait fait les clips de Mélodie et de Shoegaze, qui l’a réalisé. On s’était donné comme restrictions que ça ne coûte pas trop cher, et que ce soit fait avec une caméra VHS. La direction artistique tourne autour de ces limitations, donc tout ce qui était maquillage et stylisme devait être assez éclatant pour être bien visible à la caméra, puisque c’est une qualité visuelle assez spéciale. On voulait que ça reste assez intime, que la caméra reste proche pour avoir un effet fish eye. Il y avait beaucoup d’improvisation, on voulait que ce soit dynamique.

Les couleurs sont directement évoquées par la chanson. Il y a un espèce de côté 80’s avec plus de synthétiseurs que les autres chansons. L’espèce de côté rétro, ça me fait penser à The Weeknd un peu, avec son espèce de vibe futuriste/rétro/laser/néon. 

On était dans l’esthétique plus que tout en faisant le vidéoclip, on se concentrait très peu sur le scénario. Le réalisateur décidait, admettons, « on va voir le drummer boire du lait dans des blacklights pendant qu’il court ». Il y a plusieurs choses qui sont difficiles à expliquer, et c’est ça que voulait le réalisateur : intriguer le public. J’ai bien aimé l’expérience!

PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre de ta prestation au Ministère dans le cadre de la série RADAR?

Émerik : On va uniquement jouer des chansons du dernier album, Fleur de l’Âge. On a décidé d’un rythme qui est un peu un résumé du spectacle, donc il va y avoir des chansons plus à texte, qu’on associe plus au début d’un spectacle ordinaire, qu’on fait d’habitude. Puis, on va terminer avec des chansons plus énergétiques, psychédéliques, immersives, qu’on aime bien faire à la fin de nos performances. C’est comme une balance assez condensée, avec beaucoup de chansons à texte, mais aussi beaucoup de musique et de groove.

Il va y avoir des diffuseurs qui viennent de l’extérieur du Québec, donc on aimerait laisser une marque qui n’est pas nécessairement typique d’un groupe rock québécois, évoquer quelque chose d’un peu plus international. Donc, je ne pense pas trop à la mise en scène, je me concentre plus sur la scénographie, je veux que le visuel soit marquant. J’ai contacté l’éclairagiste qu’on avait au lancement, donc on va peut-être avoir des projections, j’aimerais vraiment ça!  Sinon, on va avoir nos chapeaux! (rires) On a reçu des chapeaux soleil, on va les amener.

C’est cool, parce qu’on va être associé à des bands qu’on n’a pas vu souvent.  Aussi, à Montréal, on joue souvent dans des endroits qui sont associés à la chanson québécoise, mais il y a plusieurs groupes internationaux qui passent au Ministère. En plus, le soundman de notre band y travaille, donc il sait très bien travailler avec l’équipement de la salle. On est enthousiastes, parce que c’est sûr que ça va sonner la tonne de briques. On est chargés à bloc!

PAN M 360 : Qu’est-ce que la participation à cette série représente pour toi?

Émerik : C’est spécial pour nous, parce que je les gens ont tendance à croire qu’on a fait notre place au Québec, mais il y a des milieux et des communautés différentes. La communauté M pour Montréal, je l’associe à quelque chose de plus international, qui tente à vouloir s’exporter peut-être un peu plus, donc je suis vraiment content de faire partie de tout ça. C’est un peu comme si on faisait un petit Osheaga ou quelque chose du genre. C’est un autre environnement. Ça va être le fun de se voir là-dedans. Je ne sais pas vraiment ce que je vais dire, ou comment je fais approcher ça, mais je sais que ça va avoir une influence sur tout le spectacle, juste de savoir c’est quoi l’intention derrière le programme. J’ai bien hâte de voir.

PAN M 360 : Finalement, peux-tu me dire ce qui s’en vient pour le futur de Mon Doux Saigneur?

Émerik : Présentement, je travaille sur de nouvelles chansons. On a réservé le studio pour l’automne ; d’ici là, mon mandat est d’écrire des paroles. La musique existe déjà, et les chansons sont quand même avancées, donc je suis plus rendu à savoir ce que je veux dire, et quelles émotions j’aimerais que les gens perçoivent quand on joue nos chansons. On va aussi avoir plusieurs spectacles cet été, donc on est très contents! Sinon, j’apprends à m’occuper de mes réseaux sociaux. Je vais sûrement réserver un petit shooting photo, puis peut-être faire un vidéoclip pour un single. C’est une autre grosse partie du travail, tout ce qui n’est pas la musique. Je suis dans la partie plus pratique et les préparatifs pour l’album. C’est quand même très stimulant.

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