Guillaume Bordel fait revivre les années 1960 avec Enfanfleur

Entrevue réalisée par Arielle Caron
Genres et styles : folk / néo-yéyé / pop

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L’auteur-compositeur-interprète Guillaume Bordel présentera son premier album Enfanfleur le 9 juin prochain.

Celui que l’on a entre autres connu aux Francouvertes et au Festival international de la chanson de Granby avec une musique aux inspirations grunge nous fait désormais voyager dans le passé, avec un album aux saveurs yé-yé et folk des années 1960 et 1970.

C’est en revisitant la musique qu’il écoutait dans sa jeunesse, majoritairement imposée par ses parents, que Guillaume a redécouvert sa fascination avec les “vieilles affaires”, comme il le dit si bien. Avec l’intention de créer un album authentique, inspiré de l’époque, et nostalgique des anciennes sessions d’enregistrement, il s’est embarqué dans un processus d’enregistrement immersif, inspiré de ce qui était fait à l’époque.

Le résultat est un album de douze chansons sur lesquelles Guillaume aborde l’amitié, la solitude, l’amour et tente de faire danser les jeunes d’aujourd’hui et ceux d’avant.  

PAN M 360 l’a rencontré pour parler avec lui d’Enfanfleur, de sa fascination avec cette époque et de sa performance aux Francos de Montréal qui aura lieu ce vendredi.

Crédit photo : Hamza Abouelouafaa

PAN M 360 : Nous sommes à quelques jours de la sortie de ton premier album et de ta première prestation aux Francos de Montréal. Comment te sens-tu par rapport à ces deux évènements?

Guillaume : Je me sens un peu bizarre, mais pas dans un sens négatif. En fait, je me sens super bien! (rires). Je suis en train de répéter le spectacle et de concevoir la mise en scène dans ma tête. Pour ce qui est de la sortie de mon album, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre, mais jusqu’à maintenant, ça commence bien, j’ai des entrevues et tout! Je ne me faisais pas d’attentes, j’étais sûr que ça allait passer un peu dans le beurre, parce que toutes mes autres sorties d’EP ont eu lieu pendant la pandémie. J’ai juste connu à peu près trois ou quatre likes sur internet! (rires) Là, on dirait qu’il y a quelque chose qui est en train de se passer. Je ne sais pas trop quoi, mais c’est vraiment cool.

PAN M 360 : Parle-moi un peu d’Enfanfleur, ton premier album. Comment ce projet est-il né?

Guillaume : J’ai entamé la création en pleine pandémie. En fait, avant, ce que je faisais ressemblait plus à du grunge. C’était un peu plus marginal, quand même pop, mais plus distorsionnant, en quelque sorte. Puis, pendant la pandémie, j’ai eu une sorte de fascination avec la guitare et le piano, et j’avais le goût de faire quelque chose d’un peu plus pop. C’est un album qui a été écrit très différemment de mes autres projets. Au début d’Enfanfleur, il n’y avait pas de visuel ni de thématique. Je voulais juste que ce soit un album écrit avec le cœur plutôt que la tête.

Pour faire les chansons, je me suis équipé d’un mini studio maison, où j’enregistrais des improvisations, seulement avec ma guitare et ma voix. Au départ, je voulais parler un peu de l’histoire de mon enfance, ce qui m’a amené à jouer la musique que j’écoutais quand j’étais jeune, alors que c’étaient plus mes parents qui décidaient ce que j’écoutais. Il y avait beaucoup de yé-yé et de folk-rock des années 1970 là-dedans, donc, j’ai commencé à gratter des riffs dans le style de Marc Bolan en improvisant des mots. De temps en temps, il y avait une bonne phrase qui sortait, et j’essayais de créer autour de celle-ci. J’utilisais un peu le même principe que l’écriture automatique, mais à l’oral, parce que je voulais vraiment que tout soit fait avec le cœur, que ce soit très humain.

Il y avait aussi le fait que quand tu es nouveau dans le milieu, tu te fais beaucoup comparer à d’autres artistes. Les médias et les maisons de disque essaient souvent de t’associer à d’autres musiciens, de te définir en se basant sur un artiste établi.  Ça m’a donné envie de faire quelque chose qui soit le plus authentique possible. Je ressentais moi-même que j’avais des influences de musique francophone récente dans ma musique, donc j’ai arrêté d’écouter du québécois. Après, je me suis plongé dans plein d’univers musicaux, j’ai écouté plusieurs styles des années 1960 et 1970, donc l’album s’inspire un peu de mes artistes préférés de l’époque. Par contre, tout ce qui sort de l’improvisation, ce qui me passe par la tête sur le moment, ça n’a pas le choix de venir de moi. En me laissant aller, ça fait en sorte que l’album se compare moins à d’autres artistes.

Quand le processus de création était terminé, je suis entré en studio avec Benoît Bouchard, qui, à la base, à des prises de son qui sonnent très rétro. L’enregistrement a été une sorte d’expérience à la Get Back des Beatles. Tous les collaborateurs de l’album, et moi-même, sommes fanatiques de ces vieilles sessions de studios. Nous sommes très nostalgiques de l’enregistrement sur cassette. Aujourd’hui, tu peux faire un album seul en jouant toi-même de chaque instrument, mais on a fait l’expérience en étant tous ensemble, en jouant les chansons en même temps. Ça fait aussi en sorte que le sentiment de groupe est très présent sur l’album.

Après, c’est sûr qu’avec l’ordinateur, on est passés d’un son provenant d’un vieux mixeur des années 1960 à quelque chose d’un peu plus moderne, mais ça sonne quand même très vintage. Mon bon ami Dany Placard a réalisé l’album. Contrairement à ce qui se fait beaucoup au Québec présentement, c’est-à-dire que c’est le réalisateur qui joue des instruments, moi et Dany avons écouté les démos ensemble, puis on a fait des plans pour les chansons, et il a juste joué de la basse. Un réalisateur n’est pas supposé toucher à un instrument de musique ; les vrais réalisateurs, comme ceux des années 1970, sont supposés être la personne qui fait le lien entre l’auteur des chansons et les musiciens, entre les paroles et le son des instruments. Maintenant, ça ne se voit plus vraiment. On dit que ce sont des réalisateurs, mais ils ont plus le rôle d’arrangeur. On avait donc un vrai réalisateur qui s’est assuré que tout rentrait dans l’ambiance des années 1970 que je voulais recréer. Ça a amené beaucoup de vie et ça a bien établi la thématique que je voulais.

En fait, c’est comme une grosse expérience rétro dans laquelle je me suis embarqué et tout le monde à suivi. C’est comme ça qu’est né Enfanfleur!

PAN M 360 : Tu as visiblement une grande fascination pour cette époque. D’où vient-elle?

Guillaume : Ça part de vraiment loin! Si on met la musique de côté, j’ai toujours été intéressé par les vieux objets, le passé, l’histoire. Puis, je trouve ça encore plus fascinant quand il y a peu de matériel visuel ou de connaissances par rapport à quelque chose. Par exemple, je m’imagine souvent la vie des premières personnes qui habitaient dans mon appartement! Je suis quelqu’un de très nostalgique, toute l’histoire des choses me fascine. C’est la même chose musicalement. Je vais souvent aller écouter des vieilles affaires, voir comment les groupes jouaient à cette époque, comment ils faisaient en spectacle, le matériel et les instruments qu’ils utilisaient, qui donnent à la musique de l’époque le son qu’on lui attribue.

PAN M 360 : Ton nom de scène est inspiré de ton déficit d’attention, est-ce bien ça?

Guillaume : En quelque sorte, mais il n’a pas été choisi en fonction de ça. En fait, quand j’étais à l’École Nationale de la chanson et que je me cherchais un nom de scène, c’est un de mes amis qui a lancé, à la blague, l’idée de m’appeler Bordel, parce que tout est à l’envers dans ma tête. Par contre, je suis quelqu’un de très réfléchi. Quand je fais quelque chose, c’est toujours by-the-book. Finalement, ça me représente bien! On n’y pense pas, mais un déficit d’attention, c’est quelque chose de gros, qui va te suivre toute ta vie. Donc j’ai décidé de rester avec Bordel! (rires)

PAN M 360 : Quelle place occupe-t-il dans ta musique?

Guillaume : Un déficit d’attention, ça fait en sorte que tu apprends d’une autre manière, que tu vois les choses un peu différemment. Admettons qu’il se passe quelque chose de totalement banal, un écureuil qui passe sur un fil, par exemple, je vais complètement partir dans ma tête, m’inventer un histoire à partir de ça. Pour l’écriture de chansons, ça fait en sorte que je peux commencer dans le but d’écrire quelque chose de super simple, puis finalement j’essaie tellement d’aller au fond des choses, puis ça finit par aller complètement ailleurs! Comme je ne pense pas comme les autres, je fais différemment aussi. Par exemple, si j’essaie de faire une reprise de chanson en voulant y rester fidèle le plus possible, ça va quand même aboutir à quelque chose de différent.

PAN M 360 : Donc, c’est une force en quelque sorte?

Guillaume : Ça a définitivement un impact, mais je ne sais pas si c’est une force. Ça peut faire en sorte que des gens trouvent ma musique plus claire, mais moi, je trouve surtout que ça fait en sorte qu’elle est différente.

PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre de ta performance aux Francos ce vendredi?

Guillaume : Ça va être assez spécial pour moi. Je dévoile le punch, mais je vais faire la moitié du spectacle sans jouer d’instruments! Je ne sais pas vraiment si je vais aimer ça ou si je vais vivre un gros malaise, je me lance dans le vide, mais j’y vais all in! Je m’attends à beaucoup de danse, parce que ça doit être spécial de chanter sans instruments. Ça me sert un peu de barrière, mais là, j’en n’aurai pas. Je suis vraiment timide dans la vie, et c’est vraiment contradictoire, mais mon moyen de combattre ça c’est d’être super extraverti. Donc, je vais tout faire pour bouger, pour ne pas être figé là à rien faire. Je pense que ça va faire une belle pression qui va faire un beau spectacle.

PAN M 360 : Finalement, peux-tu me dire ce qui s’en vient pour toi?

Guillaume : On va refaire le spectacle des Francos à la fête de la musique de Québec. J’ai assez hâte, parce que c’est un événement qui attire la foule de Québec, donc c’est peut-être l’occasion de faire promener mon nom là-bas. Je suis en train de travailler sur le début d’un deuxième album! Contrairement à Enfanfleur que j’ai écrit dans mon appartement, je vais aller écrire des chansons sur le bord du fleuve pour faire changement.

Sinon, je fais une tournée en Estrie à l’automne. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Il va y avoir beaucoup de dates, mais pour ce qui est de la formule, je ne sais pas si je vais être en solo ou non. J’ai bien hâte de voir, parce qu’on a fait un album avec beaucoup d’arrangements, mais je voulais quand même que les chansons puissent bien se jouer en spectacle. Aussi, ça fait super longtemps que j’ai joué seul. Jouer avec un groupe, on dirait que ça absorbe un peu ton stress ; quand tu joues seul avec ton instrument, il faut que tu sois très confiant. Mais j’ai hâte d’en faire! Je me suis remis à jouer de la guitare acoustique et j’aime bien ça. Pour la suite, j’essaie de ne pas trop m’en faire, je reste dans le moment présent le plus possible!

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